mardi 31 mai 2011

REFLEXIONS CITOYENNES # 02


Mbôla tsara, antsika jiaby ê

Nosy Bé, l’île enchanteresse : terre bénie du donia *. Bienheureux, nous sommes à Madagasikara de disposer d’une telle vitrine. Le site est désormais très facile d’accès par voie terrestre et courte traversée maritime à partir d’Ankify.


L’atmosphère restitue un curieux mélange de Sainte-Marie et de Majunga, avec un brin de La Réunion et un soupçon de Venise, selon les connaisseurs. S’y ajoute une frénétique envie de vivre qui prend le pas sur les difficultés croissantes du quotidien.

Malgré tout, le sens des réjouissances demeure vivace à Nosy Bé. Le kalizy - palabre, précisément au singulier - le long des trottoirs à Hell-ville, le soir près du marché. La fameuse Boum beach à Madirokely chaque dimanche tout au long de l’année. En semaine, soirées cabaret à Ambatoloaka, la coquette. Cette bourgade est séduisante à souhait. Des scénaristes et des écrivains étrangers y viennent régulièrement en résidence de travail pour puiser leur inspiration.

La propreté est visible partout, à peine des mégots qui traînent par-ci, par-là, dans la rue. Vigoureux coups de balai devant chaque habitation dès le lever du soleil. La solidarité et l’entraide sont palpables au quotidien. L’harmonie sociale est fort plaisante. Les responsables de la sécurité publique veillent constamment au grain. Les membres des fokontany sont d’une vigilance louable, surtout en matière de tourisme sexuel.

Les délinquants de passage s’échapperaient mal de Nosy Bé. Gros avantage fourni par son état d’île où presque tous les habitants semblent se connaître. Structurées autour d’une hiérarchie qui rend honneurs aux aînés et aux responsables d’administration, les communautés vivent au rythme de l’accueil des touristes du monde entier.

Remarquons au passage le bon niveau de culture générale des prestataires de service en tourisme. Les langues internationales s’y adoptent facilement. Du français à l’anglais, sans oublier l’italien.


Bienvenue, karibo ê

Grattons un peu le vernis de cette carte postale digne d’un authentique show-land, … Juste pour voir. Au cours d’un kalizy autour d’un thé spécial cola-gingembre, où le kat se mastique aussi avec délice pour les amateurs de volupté, les langues se dénouent.

Repère commun pour jauger la crise devenant de plus en plus menaçante ? Exceptionnellement, les dernières fêtes pascales et celles de la Saint-Sylvestre auront duré moins d’une semaine.

Raisons évoquées :

La Sirama, industrie sucrière et mamelle économique de premier ordre, est fermée. Du coup, plus de la moitié de la population laborieuse s’est convertie dans le commerce et autres transactions.

Les Pêcheries de Nossi-bé, autre grande unité pourvoyeuse d’emplois, fonctionnent aussi au ralenti. Coup fatal pour le marché du travail ! Un tiers, au moins, de perdu.

Seul le tourisme, avec ses emplois directs et indirects, permet à la population de tenir vaille que vaille le coup. Encore faut-il savoir qu’en 2009, les réservations se sont annulées à la chaîne. La reprise, aujourd’hui, s’avère toute timide. Sa fragilité continue d’inquiéter les uns et les autres.

Tels sont les sentiments dans la rue nossi-béenne, au ras du trottoir, hors chiffrage, statistiques et autres calculs savants.


Quoi de neuf ? Kar’akôry, kabaro ô ?

Et dire que nous sommes en plein cœur de l’un des fiefs de nos Pôles Intégrés de Croissance. Que de réalisations effectuées par ses artisans pourtant ! Des infrastructures à la formation des ressources humaines.

Lors de notre passage, nous avons eu l’occasion d’assister à un atelier pour les cadres dirigeants des entreprises HIMO, dispensé par des experts en provenance d’Antsirabe **. Les apprenants se sont révélés volontaires et studieux sur des sujets aussi pointus que l’organisation des travaux, le calcul des coûts, la stratégie des prix, la gestion des contrats et le plan de trésorerie.

Les techniciens du PIC prennent les problèmes à bras le corps et anticipent comme ils peuvent pour aider aussi les couches vulnérables à avancer vers le mieux-vivre. A preuve, la sensibilisation porte-à-porte avant de commencer à aménager des points d’eau potable, des canaux d’évacuation et des latrines dans le bas quartier d’Ambalavola sur des surfaces normalement non-constructibles.

Le décret qui le stipule, sorti il y a une cinquantaine d’années, a été classé sous une tonne de dossiers pour ne réapparaître qu’aujourd’hui. Laxisme ou corruption à grande échelle ? Difficile de se prononcer. Dès lors, impossible de suggérer actuellement aux habitants, constitués de migrants, de s’installer ailleurs sur de meilleurs terrains. Autant circonscrire et limiter les dégâts.

Le PDS ***, un trentenaire installé depuis 4 mois à son poste, se bat avec fougue pour encourager ses administrés à garder le cap vers le mieux-vivre. Et ce, malgré les aléas de tous ordres inhérents à la crise. Juriste de formation, il se convainc que seul le respect de la loi cautionne le progrès. A l’entrée de la mairie, en noir sur blanc : "Kolikoly : amboara jery. Fady zeny ato amin’ny commune." Corruption : changez votre manière de voir et de faire. C’est interdit ici à la commune.

Respecté et craint pour son intransigeance en matière de ponctualité, il nous aura permis de mieux comprendre, lors de notre entretien privé, combien la décentralisation des pouvoirs et l’autonomie des régions sont vitales pour le développement de notre pays. Puisse-t-il dire vrai ! Notre pays a plus que jamais besoin d’avancer vers le progrès.




Mieux-Vivre, jery donia

Quelques réflexions, au retour du périple.

C’est quoi, au juste, le donia ? Ce chatouillis à fleur de peau, là-bas à Nosy Bé où le festival international du même nom aura lieu le 08 juin prochain.

Les uns disent tout simplement : « Donia, c’est la vie. Mieux, fêter la vie. » Les autres précisent, c’est voir le bon côté de la vie. Prendre au sérieux ce qui peut sembler léger, et considérer sans gravité tout ce qui ressemble à de l’excès.

Peut-être que donia, finalement, serait toute une philosophie. Epicurienne en surface, et stoïcienne en profondeur. En somme, une authentique vision du monde : « jery », comme ils disent à Nosy Bé.

La tentation nous vient de rapprocher les concepts que sont le jery donia et le Mieux-Vivre, qui nous est si cher pour FAMà. Pour ainsi dire, regarder la vie en couleurs, le cœur sur la main et le sourire en bonus.

Hypothèse de travail à 2 ariary : pourquoi importer le développement durable quand on dispose du jery donia à portée de main ?

A défaut d’objectivité quantifiable, gageons sur une subjectivité de qualité.

Au cœur de la mondialisation galopante, les schémas de développement en cours ne satisfont pas toujours. Les pseudo-bénéficiaires en ont, quelques fois, perdu le sourire. Les actualités internationales sont assez éloquentes à ce sujet.

Malgré la noblesse de son principe, le développement se retrouve trop souvent étriqué en théorie et faussé dans la pratique. N’en déplaise à ses éminents techniciens dont nous saluons le mérite de patienter le délai qu’ils accèdent au pouvoir de décision suprême.

Avec sa cohorte de conditions tendancieuses, de mirages prévisibles, d’effets pervers et de résultats mitigés, le choix du modèle de développement dépend rarement de notre seul bon vouloir, … Surtout nous, les soi-disant retardataires du Sud. En effet, n’est-ce pas tout un système verticaliste voué au bénéfice des détenteurs de capitaux mondiaux, qui s’échafaude autour ?

Le Mieux-Vivre, par contre, dépend d’abord de chacun de nous. Même à partir du peu dont on dispose. C’est une attitude, un comportement, et une vision du monde. Il suffit de cultiver un savoir-être et un savoir-faire positifs sans trop attendre de qui que ce soit. Les nossi-béens nous ont ouvert les yeux à ce propos. Le jery donia n’est-il pas séculaire ?

L’idéal serait de disposer, à la tête de notre pays, de dirigeants qui comprennent enfin que

-    Le développement est un mal nécessaire dont il faut courir le risque avec vigilance, et surtout honnêteté. Il ne peut surtout servir qu’à améliorer les conditions matérielles d’existence, … En fait, de quoi remplir tout un projet de société.

-    L’essentiel, dans cette prospective, est l’homme. Celui-ci a un besoin vital. C’est le Mieux-Vivre dont le meilleur indice est le sourire qui s’affiche sur le visage de chaque citoyen.

Merci, La vie.
Longue vie, Donia.


VAHÖMBEY
FAnambinana MAdagasikara – FAMà.
Antsirabe, 31 mai 2011 à 23.00


(*) Voir série d’articles « BEzoro, Nosy Bé » # 01 à 07 sur Facebook, Rabearison Vahömbey.

(**) Voir « Réflexions citoyennes # 01 »

(***) Président de la Délégation Spéciale


Photo 1: Cocotiers
Photo 2: Ambatoloaka plage
Photo 3: Ambalavola
Photo 4: Interview PDS, Taciano Rakotomanga
Photo 5: Citoyen, JRI, pensif

Crédit photo: Andrianjara / BEzoro - ingénierie culturelle

mercredi 18 mai 2011

HOMMAGE à Guy Willy RAZANAMASY


« Concernant l’homme, difficile de faire preuve d’objectivité. Il n’y a que la subjectivité de bonne foi. »

A quelques mots près, c’était la teneur de la note de service placardée à notre attention, journalistes et animateurs d’antenne à la Radio-Madagasikara en 1991. Signature : Le Premier Ministre Guy Willy RAZANAMASY.

En pleine crise, critiqué par les Arema et malmené par les Hery Velona, j’en ai personnellement fait mon credo pour animer quotidiennement l’antenne. Manjamanja miaraka amin’i Radio-Madagasikara. L’émission Besorongola, chaque vendredi à 07 heures du matin. 

Avec son accord, j’ai effectué un reportage radiophonique sur le KERE avec l’appui du Programme Alimentaire Mondial et le soutien de la Banque Mondiale. C’était, à l’époque, le déclencheur de toute l’opération humanitaire SOS Sud.

Notre manière de collaborer était plutôt particulière. Après avoir bouclé l’antenne à 22 heures, je partais le rejoindre au Buffet du jardin à Antaninarenina et recevais ses instructions en direct. Nos conversations, courtes mais instructives, m’ont façonné pour la vie. Avoir recueilli certaines de ses confidences, d’ordre politique, me guide aujourd’hui pour mener à bien notre démarche FAMà.

G.W. RAZANAMASY, maire de la capitale, avait réussi à éviter le carnage sur la place du 13 mai. Malgré tous ses efforts pour la paix, il n’avait pas pu empêcher la marche fatidique sur Iavoloha le 10 août 1991. C’était hors de sa juridiction. Devenu Premier Ministre, il avait dirigé la Transition avec tact et détermination. Les élections achevées, redevenu simple citoyen, il avait publié Le livre blanc. Document à archiver absolument.

S’apercevant de la dérive de ce qu’il aura laissé en héritage, il avait décidé, par principe, quelques années plus tard et malgré la faiblesse des moyens, de se présenter aux présidentielles. Pour ce faire, nous avons mis en avant le concept Hazomanga. Trop tôt pour l’époque !

Crise sociale 2002. Animateur de l’émission matinale quotidienne Salanitra ê ! Tratry ny maraina isika mianakavy sur la station FM Radio-Mada, je me suis évertué, envers et malgré tout, à ramener mes concitoyens à la raison. Ramener encore et toujours la paix dans les foyers, les communautés et entre les belligérants.

Mon plus grand regret : n’avoir pu empêcher les vandales de tout acabit de s’attaquer à la propriété de Ingahy RAZANAMASY. J’ai fait mienne de l’humiliation qu’il avait subie. Depuis, j’ai fait vœu d’endiguer l’innommable bêtise humaine politicienne. D’où aussi mon engagement pour les présidentielles aujourd’hui.

Malgré son grand âge, Ingahy RAZANAMASY m’avait toujours gratifié de son amabilité quand nous nous croisions de temps à autre au Cercle franco-malgache d’Antananarivo. J’en ai toujours ressenti une grande fierté que j’entretiendrai précieusement.

Avec son sens aigu de l’honneur, Guy Willy RAZANAMASY était un homme de parole, tokan-teny.

Ingahy RAZANAMASY m’a inculqué comment être un Homme d’Etat.

Tafahoatra any ankoatra ankehitriny ilay Raiamandreny.

Sitraka enti-matory, hono hoe, valiana raha mahatsiaro.