Présentation
de l’interviewé :
Qui
est Vahömbey ?
Agé
de 55 ans, Vahömbey était candidat malheureux au premier tour de la
Présidentielle. Côté académique, il a étudié la Philosophie et approfondi l’Anthropologie
ainsi que l’Ethnomusicologie. En tant que Merina, Tandroy et Baniân, il affirme
être intéressé par la culture antandroy. Il a appris le métier de
communication, notamment de la radio. Il était à la Radio-Madagasikara. Il s’initia
à l’audiovisuel et était à la TV5 Paris. Il a appris le marketing, la gestion
de portefeuille des clients de grands comptes du temps où il était à l’Agence
Tam-Tam. Il a fini par devenir coach. En bref, il est philosophe,
anthropologue, ethnomusicologue, communicateur et réalisateur de documentaires
télévisés. Des documentaires qui font toujours référence à Madagascar. Il est
également un ingénieur culturel.
Titre
de l’interview :
Vahömbey :
« Je suis prêt à collaborer si Hery Rajaonarimampianina me le demande. »
Chapô :
Ayant
fait le déplacement pour assister à la proclamation officielle des résultats du
scrutin du second tour de la présidentielle vendredi dernier, Dieu Donné Roland
Rabearison dit Vahömbey affirme avoir confiance au nouveau Président de la
République Hery Rajaonarimampianina.
Question :
D’après
votre cursus, vous figurez parmi les intellectuels qui ont eu la possibilité de
quitter le pays pour mener une vie meilleure à l’étranger. Pourquoi avez-vous
choisi de rester au pays ?
Réponse :
Si je suis intéressé par l’argent, je peux
travailler à l’extérieur. Pourtant, j’ai choisi de rester à Madagascar même si
je gagne moins parce que je veux aider mes compatriotes. Ce n’est pas mon
intérêt personnel que je considère mais celui du peuple malgache. Je ne suis
pas un simple artiste. Je peux enseigner à l’université. Je suis direct comme
vous avez dit tout à l’heure. Je le suis parce que je veux œuvrer au profit de
la couche défavorisée. Je vous rappelle que j’avais quémandé dans les rues [ à
une période de mon enfance ] et je l‘ai dit pendant ma propagande.
Par
rapport à la situation actuelle, le gouvernement qui va être formé devra-t-il s’ouvrir
à toutes les forces politiques ?
Je tiens à souligner que j’étais contre le régime
précédent, celui de la Transition. Je suis parmi les opposants purs et durs. Je
ne suis pas signataire de la feuille de route. Je n’étais pas dans telle ou
telle mouvance. C’est pourquoi je n’ai jamais eu l’intention d’intégrer les
institutions de cette Transition. La raison est simple. Ce régime est illégal. Après
l’investiture de Hery Rajaonarimampianina, on sera dans l’ordre constitutionnel
car la nouvelle République sera effective. Si Hery Rajaonarimampianina m’invite
à collaborer, je le soutiendrai dans la préservation de la valeur humaine et
culturelle malagasy. Un domaine que je maîtrise bien.
En
tant que diplômé en philosophie, que pensez-vous de la Constitution de la 4ème
République ?
Si j’avais été élu président, la première chose
que j’aurais entamée serait celle de retoucher cette Constitution dont le
contenu n’est pas du tout clair ni détaillé. Mais actuellement, Hery
Rajaonarimampianina est le Président. C’est à lui de répondre à cette question.
L’important dans ce texte fondamental est le mot « Fitiavana ». Il
faut le retenir car il exprime la valeur malgache. Lorsqu’on va retoucher la Constitution,
il faut qu’elle soulève dans ses détails la définition de ce mot « Fitiavana »
ainsi que son application.
Candidat
malheureux au premier tour de la présidentielle, vous avez fait le déplacement
pour assister à la proclamation des résultats officiels de cette élection.
Pourquoi ?
Je suis venu ici à Antananarivo depuis Antsirabe
pour assister à cette audience solennelle de la proclamation des résultats
officiels de cette présidentielle. Je suis venu pour honorer cette cérémonie
comme ces gendarmes qui se sont mis en garde-à-vous pendant des heures pour le
respect de cette institution ainsi que son autorité. Etre élu président ou non,
ce n’est pas ça qui est important pour moi. Ma question est de savoir ce que je
peux apporter à ma patrie. Nous tous qui avons assisté à cet événement d’aujourd’hui,
nous avons encore de quoi manger. Nous pouvons encore consommer du riz. Ce qui
m’amène à dire: Allons considérer les démunis ! N’oubliez pas que j’ai
soutenu Hery Rajaonarimampianina au second tour dans la région Vakinankaratra.
Vous avez dit que j’étais battu au premier tour. C’est douloureux d’être
perdant mais je n’ai jamais eu l’intention de contester le choix de la majorité.
Il
est dit que les Malgaches ont perdu leur valeur culturelle et morale. Qu’en
pensez-vous ?
Ce n’est pas vrai ! Les Malagasy n’ont pas
perdu leur valeur culturelle et humaine qui est basée sur la valeur sacrée de
ce pays. Ils se sont seulement trompés de chemin. Je suis confiant qu’en tant
que chrétien fervent, Hery Rajaonarimampianina a de la franchise et la bonne
volonté pour pouvoir redresser ce pays. C’est pourquoi je suis décidé à l’aider.
A l’issue de l’audience solennelle de la proclamation des résultats de la
présidentielle, je me suis entretenu directement avec Hery Rajaonarimampianina.
Ce que j’ai senti lorsque nous faisions l’accolade, c’est son honnêteté et sa
sagesse. C’est une véritable personnalité et j’ai confiance en lui. S’il décide
de m’appeler pour travailler avec lui, je suis prêt.
Vous
parliez de Hasin’i Madagasikara… Alors parlez-nous en un peu plus.
Quand on parle de hasin’i Madagasikara [ à ne pas confondre avec le parti politique du même nom ], je détiens
la clé. Pourtant j’ose dire que je suis parmi les plus cancres en histoire de Madagasikara.
Je ne peux pas me mesurer avec les académiciens et les universitaires à ce
sujet. Par contre, je connais ce qu’on entend par « atidoha hafa » [ ati-boàfa ], c’est-à-dire la chose qui
se cache au fond des entrailles. Tel est mon atout. C’est pourquoi je n’ai pas
lutté pour devenir Président de la République. Plus d’un m’ont interrogé
pourquoi je n’ai incité personne à voter pour moi. C’est le caractère sacré de
ce pays ou « hasin’i Madagasikara » qui m’intéresse. Je suis un Mpanazary (celui qui détient les valeurs
traditionnelles).
[ L’occupation favorite du Mpanazary - jardinier de l’univers - est de recréer sans cesse l’harmonie
en lui et autour de lui. ]
Pourtant
vous vous êtes porté candidat à la Présidentielle. Pour quelle raison ?
D’abord, je suis content de l’élection de Hery
Rajaonarimampianina en tant que Président de la République parce qu’il était le
ministre des Finances. Il connaît bien la situation de notre Trésor Public par
rapport aux autres candidats qui se sont présentés à cette élection. Il sait
comment redresser l’économie malgache. Si j’avais été le Président de la
République, c’est le « atidoha hafa »[ Ati-boàfa ] qui nous rend confiants en un avenir meilleur pour
notre pays que j’aurais eu à faire valoir.
Il ne faut pas oublier que Hery
Rajaonarimampianina devra se consacrer à la mise en place de toutes les infrastructures
économiques et les superstructures financières pendant la première année de son
mandat. Pendant un an, il devra s’atteler aux négociations avec les bailleurs
de fonds. En attendant, que vont-ils faire les gens qui se trouvent dans les
rues et dans la pauvreté ? Il faut faire rêver ces gens. Il faut qu’ils
prennent conscience de leur valeur en tant que Malagasy. Œuvrer dans ce sens
est la spécialité de Vahömbey. Je me suis formé pour cela.
Le
mot de la fin ?
« Madagasikara manankasintsara. » Hery
Rajaonarimampianina est élu Président de la République. La chose la plus
importante à mon sens, moi qui ai eu une formation de philosophe, d’anthropologue
et d’ethnomusicologue, d’artiste mais qui suis aussi politicien par nécessité, …
Je suis convaincu que le nouveau président qui est économiste et financier, est
quelqu’un qui a une authentique vision macroéconomique soutenue par de sacrées
expériences et formations en matière de Finance. C’est vraiment la personne
dont nous avons besoin. C’est quelqu’un de carré. Tout ce que j’ai envie de lui
donner aujourd’hui n’est autre que ce qui est irrationnel, irraisonnable,
spirituel et sacré au nom de la terre de Madagasikara parce que de tous les
pays d’Afrique… Voyons les actualités… Tout le monde s’est battu mais à
Madagasikara, ce n’est pas le cas.
Je souhaite aujourd’hui que chacun de nous autres 32
candidats recalés car Hery Rajaonarimampianina s’est échappé de la mêlée, fasse
preuve de fair-play.
Propos
recueillis par TEHOLY Martin pour L’OBSERVATEUR.
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