Publication avec l'aimable autorisation des responsables du magazine de la femme, ESSENTIELLE Madagascar.
N° 46. Juin 2016.
Extraits de l'éditorial de Haingo RARIVOSON, rédactrice en chef,
page 4. Début de citation :
« Pour ce numéro de juin, mois de la fête
nationale, parlons d’identité malgache. « Malagasy », rectifierait Vahömbey Rabearison, senior
consultant en ingénierie culturelle, notre intervenant dans la rubrique Grande interview. Mais par respect d’un
standard de correction, n’en déplaise à cet ami très éclairé et farouche
défenseur de la langue malgache, nous retiendrons ce vocable controversé.
Quelle est la problématique de l’identité malgache ?
L’enseignant de longue date, chercheur passionné et observateur attentif de nos
vies et de nos mœurs pointe du doigt « la
méconnaissance de ses fondements axiologiques. Autrement dit, de nos valeurs
cruciales, particulièrement morales ». Cette problématique est
aggravée par un système éducatif déficient, estime le chercheur. Il est en
effet rare de trouver une école où l’on parle de notre Histoire, de nos
valeurs, de nos traditions, de notre façon d’être et de penser ou même de la
sagesse des Ntaolo.
D’ailleurs,
combien d’entre nous prendrait le temps de chercher les rares livres sur le
sujet alors que nous dévorons tout ce qui touche le développement personnel ou
le management ? Heureusement, les rites semblent se perpétuer.
Heureusement, car tout ce qui relève du patrimoine culturel immatériel tend à
disparaître. Cela, bien que le « Fihavanana »
et le « Fahendrena », dont
très peu en comprennent les fondamentaux, soient évoqués à tout-va…
Alors, posons-nous quelques instants pour une petite
parenthèse introspective. Aujourd’hui, qu’est-ce qui fait de vous une Malgache ?
Quelle est votre connaissance de nos traditions, de nos valeurs, de notre
patrimoine, de notre Histoire, tout ce qui constitue notre ADN culturel ?
De tout cela, que transmettez-vous à vos enfants ? Croyez-vous à un retour
aux sources possible ? Avez-vous réfléchi à ce que cela pourrait vous
apporter, à ce que cela changerait à votre vie et à celle des autres ? Fin
de la parenthèse pour un début de projection.
(…) »
Fin de citation.
INTERVIEW, page 50. Propos recueillis par Haingo
Rarivoson. Début de citation.
Revolisiôna Vazimba
Vahömbey RABEARISON est senior consultant en
ingénierie culturelle à Madagasikara. Et récemment aussi en Centrafrique, une
nation en pleine reconstruction après une guerre civile, pour partager son
expertise auprès des étudiants en master 2 et des doctorants à l’Université de
Bangui. Thème de ses recherches personnelles : « Revolisiôna Vazimba ».
Quand on parle
d’identité malgache, qu’entend-on par identité ?
Une définition standard vous dirait : « Conviction d'un individu d'appartenir à un groupe
social, reposant sur le sentiment d'une communauté géographique, linguistique,
culturelle, économique et entraînant certains comportements spécifiques ».
Bien sûr, c’est juste
une indication d’ordre général qu’il convient de développer et d’affiner. Qu’il
s’agisse de Malagasy ou d’autres nationalités, nous sommes d’abord des êtres
humains. Aussi, avons-nous tous nécessairement en commun quelque chose d’universel.
Viennent s’y ajouter les spécificités diverses.
Voyez-vous, j’ai bien dit
Malagasy et non Malgache. C’est déjà une forme d’affirmation identitaire. (Sourire).
Quelle est sa
problématique aujourd'hui ?
D’une part, notre méconnaissance de ses fondements axiologiques. Autrement
dit, de nos valeurs cruciales, particulièrement morales. Là, c’est le système
éducatif qui s’annonce déficient. Non seulement la structuration, honteusement
défaillante, de la scolarisation. Mais aussi et surtout la qualité de transmission
des valeurs au sein de chaque foyer. Sachons qu’un enfant fait du copier-coller
à 95 % de ses parents pour n’appliquer que 5 % de ce qui lui est dit et répété.
Même mille fois !
D’autre part, notre manque évident de visibilité. Nous craignons trop le futur.
Normal qu’on ait peur de l’inconnu. Sauf qu’il est du devoir des décideurs
politiques de soutenir au maximum les chercheurs formels et/ou non-formels qui,
aujourd’hui, travaillent dans l’ombre. Pour ne pas dire dans la misère. Que de
génies ne laisse-t-on pourrir lamentablement dans ce pays !
A preuve, le Ministère de la Culture est le wagon de queue en termes
d’attribution budgétaire. Quand on ne l’alourdit pas, par-dessus tout, avec d’autres
secteurs-clés qui méritent aussi leurs propres titres de noblesse comme ceux de
l’artisanat et du tourisme. Franchement aberrant. Comment voulez-vous que notre
sentiment identitaire, fondé sur la fierté culturelle, puisse s’épanouir dans
ce cas de figure ?
Forcément, aucune visibilité pour le citoyen. Faute de vision culturelle des politiciens
régnants. Malheureux, non ?
Quels sont les
fondements de l'identité malgache ?
Primo, le patrimoine génétique. Même celui - ou celle - qui ne dispose que de 1% de sang
malagasy hérite du génome vazimba.
Quelque soit, par la suite, son degré de métissage. Comme il s’agit de
recherches personnelles en cours, nous éviterons pour l’instant de trop nous
étendre sur ce sujet.
Secundo, le patrimoine historique. Enseignant de longue date et chercheur
passionné, donc façonné pour être rigoureux, vous ne vous imaginerez jamais
combien je suis mortifié par les manipulations abjectes héritées de
l’interprétation coloniale de notre propre Histoire. Tellement ancrées dans nos
manières de penser que devenues évidences avérées ! Bonté de bonté !!
A titre d’exemple, nos ancêtres ne seraient-ils tous qu’exclusivement venus
d’ailleurs ? Juifs ou austronésiens et autres !? Allez demander aux
spécialistes chevronnés qui lisent en sanskrit les sutra ou qui interprètent en hébreu ancien l’authentique kabbale
pour vous étonner entendre prouver que des révélations sur la civilisation Atlante
avaient aussi pris graine ici à la grande époque. Sans mésestimer le parallèle
avec la Grande Lémurie.
Tout ça ! La colonisation et le néocolonialisme français, plus la mondialisation
américaine, veulent totalement effacer pour nous aliéner à jamais.
Tertio, le patrimoine cognitif. Non seulement, la manière d’acquérir et
d’activer les connaissances mais aussi la volonté de maîtriser le savoir lui-même.
Quelle civilisation, dans le monde d’aujourd’hui, peut se targuer de disposer
de ses propres techniques immémoriales de management du temps et de régie de
l’espace comme la civilisation malagasy ?
J’entends par là le Fanandroana, le Rohontany et le Sikidy.
Sans oublier le Fanorona, haut-lieu d’apprentissage
de la stratégie en tant qu’art absolu. Des groupes de chercheurs indépendants
sont en train de les informatiser, encoder, numériser, etc. Le grand public
malagasy y aura bientôt accès.
Nous osons espérer que la revitalisation des patrimoines suscités favorisera la
renaissance des fondements axiologiques malagasy. Nous serons enfin fiers
d’être Malagasy.
MADAGASIKARA - ROHOTANIMBAZIMBA Géolocalisé. SIG établi par Niry RAKOTOSON et BEzoro - ingénierie culturelle (2015) |
Y-a-t-il une façon de
penser malgache ? Un courant de pensée malgache ?
Evitons de retomber dans les travers qui consistent à dévaloriser
systématiquement les Malagasy névrosés par les crises politiques à répétition. Obnubilés par la politique ménagère de survie. Et ce, dans toutes les couches sociales. Survivre pour éviter de dégringoler. Survivre à tout prix. Quitte à sacrifier toute valeur. Même celle de La vie.
Laissons les valets de la nouvelle colonisation s’en occuper. D’accord, voulez-vous ?
Laissons les valets de la nouvelle colonisation s’en occuper. D’accord, voulez-vous ?
Bon. Courant de pensée, dites-vous. Bien sûr. Quoique parlons plutôt de divers courants de pensée. Celui de ceux que je viens d’égratigner. C’est le courant dominant. Pour le moment. Puis, au moins, le nôtre. Celui qui appelle de tous ses vœux une révolution en profondeur. Remise en question enrichie de proposition de solutions pour enfin convaincre le plus de Malagasy possible de raisonner en termes de pro-action.
Grand temps d’arrêter de se limiter à la naïve attitude de la réaction. Pire
que mortel, c’est carrément criminel. Sinon, assassin.
Peut-on parler de
philosophie ?
A mon humble avis, on ne parlerait de philosophie qu’au niveau personnel.
Dès qu’il s’agit de groupe, a fortiori de nation, il sera plus adéquat de
parler de vision du monde. Comme ces deux là s’entre-pénètrent et
s’enrichissent mutuellement, il me prend l’envie de vous répondre qu’à l’heure
actuelle, tout n’est encore qu’en construction. Sinon comment s’expliquerait-on
ces soubresauts politiques ? Notre société est si fiévreuse encore. Ou on en
mourra. Ou on renaîtra.
D'où vient ce que l'on
appelle "fahendrena" des Ntaolo ?
Belle question ! Très belle question. Que les chercheurs férus d’authenticité
fassent tout pour accéder aux ouvrages de Dama-Ntsoa. Entre autres penseurs
malagasy. Quant à nous, simples parents tellement soucieux des futures valeurs
morales de nos descendants, relisons volontiers l’Anganon’ny Ntaolo. D’ailleurs, vendu à prix modique dans les
librairies catholiques et luthériennes.
Le culte des ancêtres,
qu'est-ce que cela représentait avant ? Et aujourd'hui ?
Désolé d’esquiver sciemment votre question pour paraître, peut-être, brutal
dans la foulée. Pour progresser, il nous faut dépasser nos ancêtres. Ils
avaient vécu leur temps. Selon leurs contextes. A nous de faire, au moins,
aussi bien qu’eux dans le nôtre.
Donc, je suis de ceux qui ne les diviniseront
jamais pour la simple raison qu’ils auront été mes ancêtres. S’ils avaient su
vivre en modèles méritants, ils ne peuvent qu’oeuvrer désormais avec les anges pour
m’interpeller. Ancêtres devenus anges, ils ne voudront que me protéger et me
guider.
Ancêtres parce qu’uniquement ancêtres, qu’ils aient été bons ou mauvais
durant leurs vies terrestres ? Non. Désolé, non. Qu’on me relate d’abord
leur cheminement. Après, je verrai. Sinon, profond respect. D’accord. Culte,
par contre. Désolé.
D’ailleurs quand je serai dans l’autre monde, j’interdirai à mes
descendants de me déranger inutilement. Qu’ils sachent se débrouiller par eux-mêmes,
d’abord. Puis, en faisant appel aux ressources profondes de leurs ADN. Sinon
quand ils auront vitalement besoin d’aide, je saurai comment faire. Comme un
ange le ferait (Sourire).
Croyez-vous à un
retour aux sources nécessaire/possible ?
Bien sûr. Sauf que ma réponse risque encore de déconcerter. Avant d’en
faire une affaire sociale et publique, rites et autres formes de manifestation
spectaculaires, sachons d’abord nous accorder avec nous-mêmes. Pratiquons la
méditation et la contemplation. Et persévérons. Cultivons le silence intérieur.
Là où nous entendrons Dieu nous murmurer ce qu’Il veut.
Faut-il évoluer avec
son temps même si on parle d'identité ?
Ce qui n’avance pas, recule. Ce qui ne progresse pas, dépérit. Inutile
d’attendre que nos concitoyens veuillent consolider avec nous l’identité de la
Nation. Chacun, sur le plan personnel, avançons. Réflexion et… ACTION !
Fin de citation.
FANAMPIM-PANAZAVANA :
Analamanga –
Rohotanimbazimba géolocalisé. SIG établi par Niry Rakotoson et BEzoro –
ingénierie culturelle (2015).
Fanamarihana : Diniho moa fa ery amin’ny adimizanàn-tany no nanorenana ny
Lapam-panjakana eny Iavoloha. Mampanontany tena ! Dia gaga ve ianareo raha
mitsingilahila toa izao ny fiainam-pirenena eto Madagasikara ?
Tokony afindra tsy ho eny Iavoloha intsony ny Lapam-panjakana eto Madagasikara,
tompoko. Diniho tsara moa ê !
Alakaosy
Besakana – Rohotanimbazimba géolocalisé. SIG établi par Niry Rakotoson et
BEzoro – ingénierie culturelle (2015).
Fanamarihana : Eo amin’ny Alakaosy fanasinàn-tsinana ao amin’ny lapan’i
Besakana no itoeran’ny ivondrohotanimbazimba. Efa taloha lavitra an’Andriampirokàna
izany, tompoko, no fantatrin’ny razantsika Malagasy.