Vers le réveil du citoyen ?
lundi 29 juillet 2013, parAu premier rang d’entre eux, saluons le Senseï Vahombey, qui est allé exprimer son ras-le-bol avec une pancarte juste devant le Palais d’Ambohitsorohitra le 13 juin 2013. Quand on sait le niveau de sens démocratique des auteurs du coup d’État, on ne peut qu’être admiratif de son courage à porter son message jusque devant l’antre du Président de la transition (PT) : « Transition incapable de tenir une élection, démission ! »
Et dernièrement, Laza Razafiarison, politicien de seconde zone, a tout à coup réussi à sortir de l’anonymat par le biais de son arrestation musclée. Je suis convaincu que tel était son véritable objectif, et qu’il était prêt à payer de sa personne pour acquérir la notoriété. Il a réussi. Reste à savoir si la justice hâtive lui laissera le temps d’en profiter.
Les trois expériences sont toutefois d’essences différentes. Vahombey et Laza Razafiarison sont des hommes ayant clairement affiché leur ambition politique, et dans leur action, on ne peut pas imaginer un seul instant l’absence de marketing politique en vue de se démarquer et acquérir une visibilité. Il y a également une grande différence entre Laza Razafiarison et Vahombey. Ce dernier a déjà une notoriété établie en tant qu’homme de radio, enseignant, et surtout artiste. De plus, contrairement à Laza Razafiarison, Vahombey a eu la classe d’y aller en solitaire, et de prendre tout seul les risques de son action.
De mon point de vue, ceux qui ont arrêté Laza Razafiarison ont un Q.I. de petit pois et un sens tactique de politologue de bar. Dans leur volonté de casser le mouvement dans l’oeuf et éviter qu’il ne prenne de l’ampleur, ils ont transformé un politicien insignifiant en un martyr aux yeux de ceux qui sont à la recherche d’un leader capable de catalyser leur frustration et leur rancœur. Il est vrai qu’une kalachnikov n’a jamais remplacé des neurones en état de marche. Mais les commanditaires de cette arrestation savent également de quoi il en retourne : à Madagascar, on peut commencer par faire le pitre devant quelques centaines de personnes, et finir par se faire appeler Président, même quand on n’a aucune valeur ou qualité pour prétendre à ce titre. Mais au moins, Laza Razafiarison a eu la bravoure d’assumer son acte, et n’a pas eu la lâcheté d’aller pleurnicher dans les jupes de l’ancienne puissance coloniale pour chercher refuge dans sa Résidence.
Maintenant, seuls quelques journalistes éberlués continuent à soutenir l’insoutenable, et à prétendre que Rajoelina est le Messie de la République. certes, nos éditos n’ont peut-être pas réussi à enlever Rajoelina du pouvoir, mais ils ont quelque part contribué à ne pas lui dérouler le tapis rouge de la reconnaissance nationale et internationale, et ont aussi un peu participé à éveiller la conscience citoyenne. Résultat : en juillet 2013, Rajoelina est toujours au même point qu’en mars 2009, même si depuis beaucoup d’eau a coulé sous les troncs de bois de rose. Signalons également la production de la chanson ’Zay mihintsy, qui montre comment nos artistes voient nos politiciens. À part ceux qui font danser le PT lors des inaugurations manara-penitra. Même les soutiens internationaux de Rajoelina ont fini par le lâcher, y compris la France pour laquelle le PT a fini par sentir mauvais.
Samedi noir ?Le plus ridicule, c’est que pour faire bonne figure et tenter de faire avaler la couleuvre, deux membres des forces de l’ordre auraient été arrêtés, tandis qu’un troisième serait recherché. Parmi eux, il y aurait un proche de Lalao Ravalomanana. Ben tiens donc, le contraire m’aurait étonné au pays de la Haute autorité du tondro-molotra : ne dit-on pas que quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage ? Et quand on veut écarter des rivaux politiques gênants, on les isole en intimidant leur entourage sous des motifs fallacieux. Par contre, la seule chose qui m’étonne, c’est que nos super-enquêteurs, toujours très rapides à trouver des prétextes à relents judiciaires contre l’opposition (bombinettes artisanales, garde de corps étranger non autorisé, complot etc.), sont étrangement inefficaces quand il s’agit des vrais bandits, qu’ils soient dahalos dans le Sud ou malfrats qui sévissent dans la Capitale. Inconscience du problème d’insécurité, incompétence ou impuissance ?
Ragots de trottoir
Ou rumeurs de pissoir ?
Monsieur le béret noir
Stop aux discours rasoir
Arrêtez de nous prendre pour des poires
Et si vous arrêtiez de boire ?
Quand on a vu de quelle façon Laza Razafiarison a été traité pour rassemblement non autorisé, on est également perplexe quand on se rappelle l’inertie des bidasses lors du même type de manifestation du côté du marais Masay et jusqu’au bureau des Nations unie à Andraharo le 22 mai. Il est vrai que l’un critiquait la Transition, et l’une était contre les adversaires de la Transition : ceci explique donc cela. Voilà à quoi en sont réduits les gros bras galonnés : à protéger le Président de la transition (PT) et son régime, et pas les biens et les personnes. Les Remenabila, les braqueurs de taxi-brousse et les auteurs d’attaque à main armée peuvent toujours dormir tranquilles : nos bidasses sont encore trop occupés à sécuriser la main qui les arrose, comme de grosses et grasses mauvaises herbes.
Mais j’aime assez cette citation de Jean-Jacques Rousseau inscrite sur la page de garde de la thèse d’un ami : « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir ». Mais c’est sans doute trop demander que d’espérer que le DJ ait lu ce philosophe. Probablement, le seul Rousseau qu’il connait est le douanier chanté par la Compagnie créole.
P.-S.
Photos : Wake Up Madagascar
Notes
[1] Pour être complet sur le thème, on mentionnera également le groupe Pro-Tanindrazana également né sur Facebook le 10 février 2012. Il partage deux caractéristiques avec Wake Up Madagascar (initiative citoyenne et apolitique), mais a également des différences : un leadership clair et des fondements plus idéologiques vers une solidarité entre Malgaches contre l’ingérence étrangère dans la vie politique et économique du pays.
[2] Sans doute de peur de voir débarquer ceux qui étaient à l’époque les têtes de la sinistre Commission Nationale Mixte d’Enquête (CNME), police politique sans aucune existence légale et qui a disparu aussi vite qu’elle est née...
http://www.madagascar-tribune.com/Vers-le-reveil-du-citoyen,18979.html