Source: http://dwizer.com/article/linterview-franc-jeu-rabearison-vahombey/
ITW Franc-Jeu : Roland Rabearison Vahömbey
Le principe de l’interview Franc-jeu : aborder franchement les vrais problèmes de la société malgache sans avoir peur des mots. L’idée : donner aux présidentiables une véritable occasion de parler sincèrement avec leurs électeurs. Évidement, nous ne sommes pas encore en campagne, et les candidats préfèrent garder leurs armes en réserve. Cependant, cette première interview avec Vahömbey trouve sa logique dans l’acte symbolique et fort qu’il a fait le Jeudi 13, en se présentant seul devant Ambohitsorohitra avec une pancarte demandant la démission des Hommes de la Transition. À Antsirabe où il vit avec sa femme, il nous a accordé cet entretien sans concession, abordant clairement chacun des sujets abordés. Une chose est sûre : l’homme est déterminé.
- Dwizer : Bonjour, Vahömbey. On vous a vu jeudi 13 devant le symbole de la HAT à Ambohitsorohitra pour demander le départ de la Transition. Un acte peu banal pour un candidat à l’élection présidentielle. Y-a-t-il, pour vous, une sorte d’exaspération face à l’invraisemblable cafouillage qui semble régner pour cette élection ? Pensez-vous que quelqu’un a intérêt à faire échouer ces élections ? qui et pourquoi ?
Bonjour. Cette action politique était l’acte d’un citoyen en droit, au bout d’une période d’observation jugée suffisante, de revendiquer la démission de gouvernants non-élus, malhonnêtes et incompétents. Cet acte était aussi celui d’un candidat excédé de voir les prédateurs s’accrocher au pouvoir en usant d’artifices de plus en plus grotesques. Par cette action volontairement solitaire, je marque publiquement ma distance vis-à-vis des politiciens de ce pays, toutes mouvances et plateformes confondues, qui squattent l’autorité publique au nom d’une pseudo-union nationale. A-t-on véritablement consulté les citoyens pour quoi que ce soit depuis 2009 ? Non, tout se décide en huis clos entre politiciens. Et ne me parlez pas du référendum de 2010 qui n’était que simulacre et écran de fumée.
- Dwizer : La communauté internationale reste ferme et unanime sur l’interdiction de se présenter des trois ténors : Lalao Ravalomanna, Didier Ratsiraka et Andry Rajoelina. D’autres personnalités seraient aussi dans la ligne de mire. Pensez-vous qu’ils doivent se retirer au nom du respect de la loi, ou qu’ils doivent rester sur un principe inclusif ?
Le candidat soucieux de démocratie vous répondra : Que tout le monde se présente aux élections ! On verra bien qui s’en sortira. Le citoyen épris de justice, quant à lui, ne peut qu’en vouloir sincèrement à ces personnages-là. Qui ont successivement ruiné le pays depuis plusieurs décennies ? Ces fameux ténors comme vous les appelez. Rajoutez-y les autres candidats et candidates qui se sont aussi déjà engraissé(e)s au pouvoir. Ceux et celles-là veulent se refaire en douce une virginité malgré leurs consciences lestées des poubelles de l’histoire. Pourquoi ? Pour s’engraisser à nouveau. Non, mille fois non à l’impunité !
- Dwizer : Que pensez-vous de l’attitude contradictoire de la communauté internationale qui a remis en scène lors des négociations Ravalomanana et Ratsiraka, tous deux chassés du pouvoir, et qui, maintenant, ne veut pas les voir dans les élections ?
Cette communauté internationale est-elle compacte ? Est-ce un bloc uni autour des mêmes valeurs ? Est-ce un pôle d’intérêts convergents ? Je crains que l’idée même de communauté internationale, dans notre cas de figure, ne soit quelque peu fictive. Dès lors, pourquoi s’attendre à quelque chose de logique de sa part ?
- Dwizer : Rajoelina a expulsé Marc Ravalomanana en 2009 au nom de la démocratie et d’une révolution « orange ». Depuis : la fameuse place de la démocratie reste interdite, la place du 13 mai a été verrouillée au profit d’une mairie d’apparat, et il semble impossible à la HAT de mettre en œuvre des élections depuis 4 ans ! On peut même dire que la HAT se décrédibilise considérablement dans l’organisation de l’élection présidentielle… au point que plus personne ne sait ou comprend où on en est… paradoxalement, Andry Rajoelina n’est-il pas entrain de mettre en place un véritable tapis rouge pour le retour glorieux de Ravalomanana et prendre le risque d’un exil et chasse aux sorcières ?
Je crains que vous n’ayez raison. En vérité, à bien réfléchir et en faisant preuve d’objectivité, qui est le véritable responsable du chaos actuel ? Ravalomanana qui a fait son cabotin avant de s’enfuir lâchement en provoquant le chaos derrière lui. Revoyez l’histoire ! Depuis, Rajoelina fait partout son fanfaron devant son miroir. Où en est le peuple aujourd’hui ? Toujours coincé entre leurs feux croisés. L’idéal est qu’ils aillent tous les deux, ainsi que leurs partisans, régler leurs comptes d’homme à homme au milieu de l’océan. Enquêtez autour de vous et vous découvrirez que c’est le vœu d’un très grand nombre de gens.
- Dwizer : Parlons de vous. Artiste reconnu, passionné de la culture malgache et amoureux de votre pays Madagascar, pratiquant émérite des arts martiaux … et jeune marié , vous semblez vous inscrire dans la lignée de grands artistes qui, de par le monde, ont ressenti la nécessité de passer du théâtre de la critique gratuite à l’action politique. Qu’est ce qui vous a décidé à vous lancer dans cette arène à la dent dure ? Pourquoi cette nouvelle ambition ?
J’ai fini d’écrire en 2011 un essai intitulé « Saha-Lanitra, l’horizon est la lisière de mes rizières ». Je m’y explique sur mon vécu, mon parcours, mon expérience, mes projets et mes rêves. Cette décision de prendre en main la conduite des affaires nationales date de mon enfance. Tout le chemin parcouru jusqu’ici n’aura servi qu’à me préparer dans ce sens.
- Dwizer : Dans vos déclarations, vous appelez a une mobilisation des malgaches et exprimez une opinion nationaliste forte : je vous cite : « Le patrimoine national est sous la coupe d’étrangers ayant à leurs bottes des nationaux collabo. » Plusieurs questions face à ce vaste sujet. Tout d’abord pouvez-vous nous dire de qui et de quoi vous voulez parler précisément quand vous insinuez que le patrimoine national serait sous la coupe d’étranger ?
Juste pour échantillonner, je vous suggère d’emprunter la direction du Sud. Enquêtez sur place. Puis pour recouper vos informations, confrontez-les avec les textes officiels existants. Jetez un œil du côté du Ihorombe. Visitez la région de Taolagnaro. Que de pratiques scandaleuses partout sur le territoire national ! Je vous en prie, enquêtez.
- Dwizer : Qu’est-ce que ces collabos dont vous parlez ? avez-vous des noms ? En substance, pensez-vous que travailler avec un « étranger » soit une forme de collaboration malsaine au lieu d’un parcours professionnel constructif et profitable ? ou, autrement dit, ne croyez-vous pas qu’en prodiguant des valeurs nationalistes, le pays risque de s’enfoncer dans l’obscurantisme, la haine raciale, le pillage des étrangers supposés riches et toutes les violences dérivées d’un pouvoir nationaliste ?
Sauf votre respect, et par égard pour nos lecteurs, permettez-moi de vous épargner les bêtes tracasseries d’un encombrant étalage de linge sale. Passons plutôt à la question suivante. Moi-même, je me suis perfectionné en travaillant avec des étrangers, ici au pays comme ailleurs. J’avais à me faire violence pour répondre à leurs standards, pour me plier à leurs moules. Mais ça m’a beaucoup enrichi humainement pour la suite de ma carrière. Encore faut-il oser s’acculturer volontairement pour continuer à grandir intérieurement ! Sinon, il y nationalisme et nationalisme. Entendons-nous bien. Je veillerai, toujours et coûte que coûte, sur les intérêts de mon pays, ma patrie et ma nation. Si c’est nationaliste, alors j’en suis un. Mais puis-je aussi rappeler que l’idéologie que je prône est gauche humaniste. Cela implique une ouverture au monde, balisée par des règles claires afin de s’enrichir des différences ethniques et raciales. Cela signifie aussi soif de justice sociale au cœur de mon pays et partout dans le monde entier.
- Dwizer… et enfin sur le même sujet, depuis 1972, on a quand même l’impression que les politiques successivement aux pouvoirs ont fortement fait valoir leur indépendance et celle de la nation ; à chaque fois, ils ont toujours imploré la résolution « malgacho-malgache » et mise à exécution ; les pouvoirs présidentiels forts, ont seuls et pleinement dirigé le pays de mains fermes… pourquoi, en conséquence, dès qu’il y a un problème dans notre pays, vouloir systématiquement rejeter la faute sur la communauté internationale en général et l’ex-pays colon en particulier ? N’est-il pas temps d’assumer nos fautes et de réellement prendre le pays en main ?
C’est ce qu’a voulu clairement signifier ma manifestation de jeudi dernier. Les dirigeants de la transition et les politiciens en général sont les premiers responsables de notre débâcle actuelle. Leur principale mission, c’est l’organisation des élections. Ils sont payés chèrement par les contribuables pour cette raison. Si en plus de ne trouver aucune solution depuis 2009, ils agissent tous comme des voleurs, qu’ils démissionnent tous ! Présidence, Gouvernement, Conseil Supérieur de la Transition, Conseil de la Transition, Cour Electorale Spéciale, … Tous dans le même panier. S’ils avaient une once de bon sens, ils ne se déchargeraient pas, avec autant de mauvaise foi, uniquement sur la nébuleuse communauté internationale. Des intérêts occultes se négocient-ils âprement dans les antichambres des palais d’Etat ? Et alors ! Est-ce une raison suffisante pour diaboliser obscurément le « vazaha » de service ! C’est dangereux d’entretenir des malentendus bâtards à ce sujet. Ce serait irresponsable, sinon même criminel. A moins que ce ne soit carrément le but non-avoué de la basse-cour politicienne !
- Dwizer : Il semble évident qu’il faut arrêter ce déchirement perpétuel de notre nation. On ne peut construire un pays sur la haine et la rancœur. Que proposez-vous pour remobiliser le pays et toutes ces entités en faveur d’un développement sur le long terme et de la stabilité ? Comment mettre en œuvre une vraie et durable réconciliation dans laquelle ce n’est pas la course à qui protège son orgueil et son intérêt personnel, mais à l’intérieur de laquelle chacun trouve sa place et sa bonne mesure ?
La loi, rien que la loi. Personne, absolument personne, au-dessus de la loi. A commencer par le Président de la République. Faire régner la loi pour engendrer la discipline. C’est ainsi que s’amorce la dynamique vers le mieux-être, le progrès et le développement.
- Dwizer : Madagascar, on l’entend dire souvent : un pays plein de ressource, mais sans avenir. Quels sont vos propositions pour donner à notre nation les ailes dont elle a besoin pour s’envoler fièrement dans le concert des nations ?
Vaste question que celle-là ! Pour y répondre brièvement, j’avouerai avoir comme habitude de toujours appréhender les choses au moins sous deux angles différents. Ainsi dans ce contexte-ci, d’une part, actualiser les données géomatiques. Inventorier les ressources, identifier les besoins, etc. Disposer d’un tableau synoptique opérationnel. Et d’autre part, déterminer les affects puisque l’homme, au sens générique, est au centre de mes préoccupations. L’aider à se mettre à la hauteur de ses ambitions grâce à l’éducation formelle, non-formelle et informelle. Je peux vous décliner ainsi à l’envi tout ce qui s’égrène dans mon programme politique. Mais autant attendre qu’il soit publié, non ?
- Dwizer : Comme vous l’avez souligné, de nombreuses grandes sociétés sont aux mains de filiales internationales. Notre industrie est faible. Le pays dépend quasi-exclusivement des importations. Quelles bases proposez-vous pour une politique économique créatrice d’emplois et de richesse ?
Accès aux crédits, formation permanente, amélioration des outils de production, performance, compétitivité, … Tous ces mots perdront leur magie tant qu’ils ne se feront précéder d’un concept-clé : la confiance. Confiance en soi, oui, mais surtout confiance aux institutions. Ce qui revient à évoquer de nouveau l’importance du politique. Soit dit en passant, je dis bien le politique et non la politique. Au risque de friser l’exagération, je parlerai donc d’institutionnaliser la confiance. Ca a l’air fou, dit comme ça, mais je suis convaincu qu’il faut commencer par là.
Il n’en sera que plus aisé par la suite d’enclencher les logiques qui soutiennent les aspects techniques du développement. Par exemple, passer en revue les dispositions à prendre ou à renforcer dans les secteurs économiques, par segment, par branche, etc.
- Dwizer : on ne peut évidement pas passer à côté du volet social. Notre taux de pauvreté est un des plus mauvais du monde. Une très grande majorité de nos concitoyens vivent dans des conditions inacceptables, tandis que d’autres, malgaches (pour ne pas tomber dans la facile critique de l’étranger), semblent s’enrichir presque à la démesure. Ne sommes-nous en train de mettre en place de prochaines « révoltes » sanglantes, et surtout, de créer un terrain propice à l’insécurité ?
Dommage, oui ! Notre société est scandaleusement pyramidale. Le fossé est incommensurable entre le revenu plancher, que dis-je !, le revenu du sous-plancher et celui du multimilliardaire. Les fractures sociales sont de plus en plus béantes. Comme le ridicule ne tue point, les richesses mal acquises par une minorité arrogante s’affichent partout en toute indécence. Les miséreux, de leur côté, se contentent de partager les repas de leurs cochons avant d’atterrir, un jour d’infortune, dans les abris en sachet plastique avec un bac à ordures municipal comme garde-à-manger.
- Dwizer : Toujours sur l’insécurité, on voit des bandits armés de kalachnikov, donc des armes militaires qui sont forcément sorties des casernes ; on constate chaque jour l’action de la police plus préoccupée par le moyen de racketter un petit kolikoly plutôt que de faire régner l’ordre ; la justice est de notoriété gangrénée par l’argent plutôt que par la volonté de faire respecter le droit. Les prisons sont des passoires. Mêmes les cliniques ou hôpitaux font tout pour facturer des grosses prestations à des malades, au lieu de simplement les soigner ?… Le propos n’étant pas de mettre tout le monde dans le même panier, ni de lancer l’opprobre sur d’honnêtes fonctionnaires. Mais, bref, la corruption est à tous les étages et ne favorise pas le respect et la cohésion nationale. Quel est votre position sur le sujet ? Quelle solution proposez-vous ?
Je suis à la fois outré et très malheureux. Vous savez, ce qui se passe en milieu rural est indescriptible. Dans certains bourgs, ce sont les forces de l’ordre qui se font assiéger par les dahalo. La hiérarchisation des strates générationnelles est bouleversée dans les communautés habituellement traditionalistes. J’espère que c’est encore réversible sinon je n’ose pas imaginer les lendemains. Comme devenir dahalo est le must, les adolescents commencent par apprendre à voler des chèvres. Inimaginable il y a quelques années encore. Cela leur permet d’acquérir une arme à feu artisanale. Et ainsi de suite. Les anciens sont totalement dépassés puisque les codes culturels se retrouvent bloqués. Telle est la situation en brousse profonde.
Afin de rétablir la sécurité, les dispositions à prendre sont multiples et à échelonner sur des termes différents. Toutefois, il est vrai qu’insécurité et corruption vont de pair. Concernant la corruption, c’est la loi rien que la loi. Mon premier chantier sera la mise en place de la Haute cour de justice. Je serai inflexible à ce sujet. Cet engagement n’est pas que moral, il est aussi formel. Un protocole dont je tairai encore les modalités, est déjà prêt-à-utiliser.
- Dwizer : bien… nous avons évoqué sans complaisance de bien vastes sujets, et vous remercions sincèrement de votre disponibilité à notre égard. Le propos n’est évidemment pas de critiquer qui que ce soit, mais d’évoquer les préoccupations quotidiennes de tous les malgaches, ou, en toute humilité, d’essayer de nous apporter un éclaircissement sur les faits d’actualités. Auriez-vous quelque chose d’important à communiquer à nos concitoyens ?
Le coup d’éclat du 13 juin dernier à Ambohitsorohitra était un acte citoyen minutieusement préparé au millimètre et à la seconde près. A preuve, c’était sans dommage collatéral, ni dégât d’aucune sorte. Permettez donc que je félicite publiquement le professionnalisme de mon staff. Et grand merci aux gens des médias.
Mon message aux citoyens : indignez-vous ! Levez-vous et allez-y. Drapez-vous de nos couleurs nationales, faites vos pancartes et manifestez dans la rue aux heures de pointe, près des carrefours bien en vue. Vous pouvez le faire à 3 ou 4, 5…
Osez ! Osez !! Osez !!!
-Dwizer. Merci « Vahömbey »… et que tous nos vœux vous accompagnent.
L’interview Franc-Jeu : Roland Rabearison « Vahömbey »,
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