mercredi 18 février 2015

« Old School »

Cet article compte cinq étapes : Facebook addict - Kiranyl du pèlerin – Misère de misère – Confucius – S’il vous plaît.

Photo de couverture, page de Vahömbey sur Facebook

Graphisme et crédit photo: ANDRIANJARA 2015

https://www.facebook.com/pages/VAH%C3%96MBEY/218637801097


Facebook addict

Sacrée faune que celle de Facebook ! Moi-même j’en suis presque addict, comme disent les jeunes. Aussi, mon exclamation est-elle loin d’être aussi dépréciative qu’elle n’en ait l’air.  D’ailleurs, au bout de quelques années d’assiduité, je suis en train de me demander si ce réseau social virtuel ne ferait pas un bon sujet de thèse. Sa finalité relationnelle génératrice d’affects, son caractère substitutif de placebo pulsionnel, sa représentativité symbolique pour l’imaginaire collectif, ... Aboutissement logique : habitus lesté de consumérisme.

Du recul, par souci d’objectivité, s’imposera à quiconque veut décrypter froidement l’univers Facebook. Là est le hic. Cet univers paraît si chaleureusement convivial que tout sevrage se résume à un répétitif aller-retour pour les candidats à la désertion. Sauf cas de force majeure ou volonté de fer, quitte à associer les deux. FB dont on aura assimilé l’initiale avec les codes, cookies, styles graphiques et modes d’écriture représente un monde curieusement attachant. Carrément à part. Entre vernaculaire et véhiculaire, sémantique et syntaxique, il y a de quoi se forger un glossaire et repenser une grammaire. Quant à la sémiotique, c’est du pur délice.

« Addict, vous dites ? Meuh, non ! C’est une question d’adaptation, vous voyez ? Ou d’adoption, si vous voulez. Euh, vous comprenez, euhhh… ! Merci de retenir ce sourire qui allait naître en coin. S’il vous plaît.  Voilà, c’est sympa, c’est gentil, merci. Bon, revenons à nos moutons. Où en étions-nous déjà ? »

Difficile d’envisager un sevrage pour quelqu’un de mon genre qui s’y trouve encore en pleine immersion. Et comme mes incursions en brousse profonde se raréfient, pour le moment et à mon grand dépit, il me faut circonscrire un autre champ d’observation. Facebook est là. Autant m’en servir. Le ressenti exprimé par mes semblables a toujours été le lubrifiant de mes mécanismes de réflexion. Et à force d’empathie dépolluée d’une compassion sujette à la commisération, je parviens quelques fois à en faire ma source d’inspiration. La vigueur de mes élans créatifs en dépend. Qu’il s’agisse de son, d’image ou de mot. Curieux de nature, il m’a fallu absorber tout un processus de formation pour ne pas qu’en faire un vilain défaut.

KIRANYL, sandales en plastique. Le tout-terrain des broussards

Crédit photo: VAHöMBEY

Kiranyl du pèlerin

A la base, ma culture universitaire s’est nourrie de philosophie avant de se poursuivre en anthropologie pour mieux m’interroger sur les mystères identitaires de mon peuple. Parcours qu’est venue compléter l’ethnomusicologie, voie royale pour un artiste musicien dès sa tendre enfance. « Conscience d’identité culturelle, cas des Tandroy de Bekily. » s’intitulait mon travail d’étude et de recherche à l’époque des bruyantes machines à écrire Olivetti.

Avant de parvenir à une ébauche de l’esthétique musicale antandroy, que de sandales kiranyl usées sur le terrain à la manière d’un pèlerin ! « Ethnographie, jeune homme. Ethnographie, rien que l’ethnographie ! » M’ordonnait mon directeur de recherches à chaque entretien. Dès que mes enquêtes sur terrain boitaient, il balayait du revers de la main mes audacieuses assertions. Aussi originales qu’elles aient pu paraître, tant que ce n’était tangible, hors de question ! J’en ai tiré leçon à vie. Monsieur le directeur, merci.

Maniaque des travaux de terrain plutôt que rat de bibliothèque. Signe particulier qui m’a généreusement servi pour le développement de ma carrière professionnelle. Philosophe, à lui tout seul, ne fait pas un métier. Journaliste reporter d’images pour RFO-TV5, consultant sollicité pour les singularités identitaires régionales, médiateur-négociateur entre communautés locales et investisseurs, et j’en passe. Jusqu’à la décision actuelle de me fixer dans le vaste et passionnant domaine de l’ingénierie culturelle.

Le procédé s’est naturellement fixé au cours du temps. D’abord, le bâton : la minutie de l’ethnographe sur le terrain. Puis, la cheville ouvrière : la rigueur de l’anthropologue pour l’analyse. Et enfin, tout au bout, la carotte pour laquelle il faut avoir couru. La liberté du philosophe avide d’interpréter.

Ainsi formaté, j’en suis arrivé à me faire ma propre idée de ce qu’est philosopher. « Penser et exister pour donner sens à la vie. »

Corollaire : réfléchir et agir. Puis réfléchir encore avant d’agir de nouveau. Et ainsi de suite dans une dialectique sans fin. Toutefois, à la malagasy. C’est-à-dire, en circonvolution. Etablir un axe central puis évoluer en s’enroulant autour. Comme les Malagasy savent user d’une dialectique tout en rhétorique, les « kabary » - arts oratoires - des Anciens sont très beaux à écouter, séduisants au point d’être captivants. Un profond appel à l’intelligence du cœur et la vivacité d'esprit qui associe harmonieusement esthétique et maïeutique, pas nécessairement du style socratique.

Maïs et lentilles, repas d'écoliers dans le Sud de Madagasikara

Crédit photo: ANDRIANJARA 2014

Misère de misère

Dommage pour les oreilles étrangères, ou locales mais déculturées, qui accusent de palabrer ceux qui s’adonnent aux débats coutumiers. Totalement à côté de la plaque !!! Passez-moi l’expression. Ces oreilles-là seront toujours nuisibles à l’épanouissement de l’Être Malagasy. Or tout schéma vers le progrès, même maquillé en développement quantifiable, devrait à la fois débuter et s’achever là ! Ce fameux Être Malagasy, les académiciens diront malgachéité, sert de point focal au faisceau des affects qui motivent les gens à aller de l’avant. Elan participatif, dans le langage des consultants.

 Mais bonté de bonté, parole de senior consultant ! Quand les experts à oreilles étrangères ou déculturées, quoique rémunérés à prix d’or par rapport à l’ariary, se mêlent de dicter leurs pseudo-infaillibles canevas depuis des décennies sans rien savoir des subtilités de cet Être Malagasy, y a-t-il lieu de s’étonner si nos dettes publiques crèvent autant le plafond ? Personne n’est dupe, en vérité.

Le système des aides internationales et autres soi-disant prêts à taux bonifiés, capitalisation de la sueur des travailleurs du monde entier en l’occurrence, est savamment orchestré par une financiarisation dévastatrice. D’abord, au profit d’une administration internationale, pyramidale et monstrueusement budgétivore. Ensuite, les meilleures parts sont pour les grands pays et les miettes, pour les petits.

Qu’en est-il, enfin, pour nous ? De toute une enveloppe mirobolante allouée théoriquement à un programme, d’ailleurs à grand renfort de médiatisation, franchement ridicule est le montant réel parvenu aux malheureux bénéficiaires en question. La justesse n’existe pas dans le dictionnaire, ni l’altruisme dans la bible des élites multiraciales pachas de l’hypocrisie humanitaire. C’est un sujet sensible qui divise le milieu des consultants nationaux.

Comme la plupart ne vivent sporadiquement que des deniers du dit système, très peu oseront se récrier. Ô veulerie, ô trahison ! Même quand il s’agit de fausser d’avance les résultats d’une étude en amont. Tant pis s’il faut dénaturer la sincérité de l’approche tant qu’il s’agisse de défendre une démarche sur commande. Claudicante ou contre-nature, peu importe. Présentées en pointillé, les directives sont les directives : « Parvenez à cette conclusion et justifiez-la selon les termes de référence ! ». Que répondre quand l’obligation est sans ambages ? La célérité du déblocage des fonds, paraît-il, en dépend. Attention, par tranches selon les comptes-rendus d’étape et jamais en totalité d’une traite. Encombrant chantage… !

Caricaturale description, certes. Maculée de raccourcis, oui. Mais tellement proche de la réalité aussi. Quand par-dessus le marché, c’est le cas de le dire, les décideurs politiques de notre si beau pays s’entretiennent des poches secrètes poreuses, le tableau est complet.

CONFUCIUS ou K'ong-fou-tseu en chinois (vers 552 - vers 479 avant notre ère)
                                        Source: internet

Confucius

Pourquoi ici, traîne-t-on autant pour aller de l’avant ? Question irresoluble, certainement pas. Mais, en ce qui me concerne, casse-tête irrésolu. Ni par l’engagement culturel avec six albums musicaux à succès mitigé, trente ans d’instruction du karaté-do et d’enseignement autant formel que non formel : philosophie, coaching, etc. Ni par l’engagement citoyen, que de temps et d’efforts engloutis sans résultats tangibles. Encore moins par l’engagement politique qui a fait éclater au grand jour combien l’œuvre de toute une vie, confrontée à la férocité du milieu, est minuscule. L’erreur est peut-être d’avoir trop étreint et donc mal embrassé. Vu et entendu, retour à la case départ.

S’agit-il de diffuser des idées épaulées par des valeurs ? Qu’à cela ne tienne, reprenons les règles de base du marketing. Ciblons le cœur d’un segment. Celui des leaders d’opinion susceptibles d’être les bâtisseurs de demain, les passerelles entre les élites et les gens du commun. Panel tout trouvé, échantillonnage sur Facebook. Profilons-le.

Homme et femme. Tranche d’âge : 25 à 40 ans. Niveau d’instruction : baccalauréat à Bacc + 5. Outil usuel : tablette à ordinateur de bureau. CSP : jeunes cadres dynamiques. Caractère principal : ambitieux. Caractéristique particulière : patriote.

Handicap commun : confusion du virtuel avec le réel. Très forts pour discourir et toujours indisponibles pour agir.

Trait particulier : culturellement minimaliste. Flagrante lacune en approfondissement aggravée par une mauvaise hygiène intellectuelle, celle du pique assiette sur internet. « Rien qu’un clic. Je sais tout mais ne retiens rien. Rien qu’un clic et tout me revient. » Inutile de trop fatiguer le cervelet,  nul besoin d’expérimenter. Lecture systématique en diagonale. Apprentissage par procuration.

Personne n’est à blâmer. Les choses sont ainsi faites dans le meilleur des mondes possibles. Soit l’éducateur « old school » boude pour se morfondre dans son coin. Soit il se déprogramme lui-même pour mieux se réinventer et trouver d’autres approches dans la foulée. Avant de remonter au front, il va au charbon en commençant par se remettre en question. Rien n’est jamais garanti d’avance en matière de formation. Les apprenants sont si différents les uns des autres. Autant donc travailler le côté « état d’esprit ».

Par la suite, comme il est écrit dans Wikipédia à propos de Confucius, je cite.
 « (…) la lecture attentive des Entretiens montre qu’il n’a pas voulu s’ériger en maître à penser, et qu’au contraire il voulait développer chez ses disciples l’esprit critique et la réflexion personnelle : « Je lève un coin du voile, si l’étudiant ne peut découvrir les trois autres, tant pis pour lui. »

SALANITRA NY AMBANILANITRA

S’il vous plaît
D’où la publication récente du billet titré « S’IL VOUS PLAÎT ! », délibérément en majuscule et avec un point d’exclamation, sur Facebook. Le dessein est d’attirer l’attention sur « Portes ouvertes sur le monde des pensées » dans le groupe public bilingue français-malagasy SALANITRA NY AMBANILANITRA.
Des statuts prêt-à-commenter y sont disponibles sur les baha’i, l’islam, le christianisme, l’hindouisme, le bouddhisme, le taoïsme, le shintoïsme, le confucianisme, le déisme, le théisme, l’athéisme, le nihilisme, la cosmogonie d’Urantia, être positif et devenir optimiste, … La liste n’est pas exhaustive. Et, bien sûr, une rubrique spécifiquement malagasy.
S’IL VOUS PLAÎT !
S’il vous plaît, vous avez bien une minute ? S’il vous plaît, lisez ce petit billet.
Pourquoi est-il si nécessaire de connaître « le monde des pensées » ?
Certainement pas pour se masturber l’intellect avec de l’abstrait.
Face au syndrome imbécile, car suranné, du « vazaha », … c’est pour GAGNER. Bonté de bonté ! Nous sommes adultes, non ? Faisons-lui face, à l’ « étranger ». Arrêtons de lui cirer les chaussures. Relevons la tête. Et fixons-le dans le blanc des yeux. Connaissons-le, pour commencer.
A moins de voyager partout, s’intéresser au monde des pensées aide à connaître les gens. Savoir qui est Confucius nous aide à mieux cerner les Chinois qui s’implantent de plus en plus au pays. Connaître l’Islam et l’hindouisme nous évite de jalouser hargneusement les « karana », indo-pakistanais. Sachons comment ils fonctionnent dans leurs têtes. Ce qui leur est sacré est leur force. Et là où est leur force, se trouve aussi leur faille. Savoir ce que sont le déisme, le théisme et l’athéisme nous renseigne sur la mentalité courante des occidentaux. Et ainsi de suite.
Celui qui sait, ne souffre d’aucun complexe face à l’ « étranger ». Courage ! Connaissons nos vis-à-vis. Mieux nous serons cultivés, plus forts nous serons chaque fois qu’il s’agira de les affronter. Nous saurons mieux négocier dans le sens de nos intérêts.
Pourquoi se familiariser avec « le monde des pensées » ? Pour apprendre à SE FAIRE RESPECTER.
Et le comble, vous savez quoi ? C’est en vérité, ce qu’attendent de nous tous les étrangers qui se désolent d’être traités de « vazaha ».
S’il vous plaît, pensez-y.

Avant de nous quitter pour aujourd’hui, empruntons à nos Anciens leur sagesse:
« Ario ny teniko raha misy diso. Ny tenabeko kosa tsinjovy mandeha satria havanareo. »
“Jetez mes mots s’ils sont faux. Mais couvez du regard ma silhouette en train de s’en aller, elle est celle de votre allié. »

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