Cet article compte cinq étapes : Facebook
addict - Kiranyl du pèlerin – Misère de misère – Confucius – S’il vous plaît.
Photo de couverture, page de Vahömbey sur Facebook Graphisme et crédit photo: ANDRIANJARA 2015 https://www.facebook.com/pages/VAH%C3%96MBEY/218637801097 |
Facebook addict
Sacrée faune que celle de Facebook ! Moi-même
j’en suis presque addict, comme
disent les jeunes. Aussi, mon exclamation est-elle loin d’être aussi
dépréciative qu’elle n’en ait l’air. D’ailleurs,
au bout de quelques années d’assiduité, je suis en train de me demander si ce
réseau social virtuel ne ferait pas un bon sujet de thèse. Sa finalité
relationnelle génératrice d’affects, son caractère substitutif de placebo
pulsionnel, sa représentativité symbolique pour l’imaginaire collectif, ...
Aboutissement logique : habitus lesté de consumérisme.
Du recul, par souci d’objectivité, s’imposera à
quiconque veut décrypter froidement l’univers Facebook. Là est le hic. Cet
univers paraît si chaleureusement convivial que tout sevrage se résume à un
répétitif aller-retour pour les candidats à la désertion. Sauf cas de force
majeure ou volonté de fer, quitte à associer les deux. FB dont on aura assimilé
l’initiale avec les codes, cookies, styles graphiques et modes d’écriture
représente un monde curieusement attachant. Carrément à part. Entre
vernaculaire et véhiculaire, sémantique et syntaxique, il y a de quoi se forger
un glossaire et repenser une grammaire. Quant à la sémiotique, c’est du pur
délice.
« Addict,
vous dites ? Meuh, non ! C’est une question d’adaptation, vous
voyez ? Ou d’adoption, si vous voulez. Euh, vous comprenez, euhhh… !
Merci de retenir ce sourire qui allait naître en coin. S’il vous plaît. Voilà, c’est sympa, c’est gentil, merci. Bon,
revenons à nos moutons. Où en étions-nous déjà ? »
Difficile d’envisager un sevrage pour quelqu’un de
mon genre qui s’y trouve encore en pleine immersion. Et comme mes incursions en
brousse profonde se raréfient, pour le moment et à mon grand dépit, il me faut circonscrire
un autre champ d’observation. Facebook est là. Autant m’en servir. Le ressenti
exprimé par mes semblables a toujours été le lubrifiant de mes mécanismes de
réflexion. Et à force d’empathie dépolluée d’une compassion sujette à la
commisération, je parviens quelques fois à en faire ma source d’inspiration. La
vigueur de mes élans créatifs en dépend. Qu’il s’agisse de son, d’image ou de
mot. Curieux de nature, il m’a fallu absorber tout un processus de formation
pour ne pas qu’en faire un vilain défaut.
KIRANYL, sandales en plastique. Le tout-terrain des broussards Crédit photo: VAHöMBEY |
Kiranyl
du pèlerin
A la base, ma culture universitaire s’est nourrie de
philosophie avant de se poursuivre en anthropologie pour mieux m’interroger sur
les mystères identitaires de mon peuple. Parcours qu’est venue compléter
l’ethnomusicologie, voie royale pour un artiste musicien dès sa tendre enfance.
« Conscience d’identité culturelle,
cas des Tandroy de Bekily. » s’intitulait mon travail d’étude et de
recherche à l’époque des bruyantes machines à écrire Olivetti.
Avant de parvenir à une ébauche de l’esthétique
musicale antandroy, que de sandales kiranyl
usées sur le terrain à la manière d’un pèlerin ! « Ethnographie, jeune homme. Ethnographie, rien que l’ethnographie ! »
M’ordonnait mon directeur de recherches à chaque entretien. Dès que mes
enquêtes sur terrain boitaient, il balayait du revers de la main mes audacieuses
assertions. Aussi originales qu’elles aient pu paraître, tant que ce n’était
tangible, hors de question ! J’en ai tiré leçon à vie. Monsieur le directeur,
merci.
Maniaque des travaux de terrain plutôt que rat de
bibliothèque. Signe particulier qui m’a généreusement servi pour le
développement de ma carrière professionnelle. Philosophe, à lui tout seul, ne
fait pas un métier. Journaliste reporter d’images pour RFO-TV5, consultant
sollicité pour les singularités identitaires régionales, médiateur-négociateur
entre communautés locales et investisseurs, et j’en passe. Jusqu’à la décision
actuelle de me fixer dans le vaste et passionnant domaine de l’ingénierie
culturelle.
Le procédé s’est naturellement fixé au cours du
temps. D’abord, le bâton : la minutie de l’ethnographe sur le terrain. Puis,
la cheville ouvrière : la rigueur de l’anthropologue pour l’analyse. Et
enfin, tout au bout, la carotte pour laquelle il faut avoir couru. La liberté
du philosophe avide d’interpréter.
Ainsi formaté, j’en suis arrivé à me faire ma propre
idée de ce qu’est philosopher. « Penser et exister pour donner sens à la
vie. »
Corollaire : réfléchir et agir. Puis réfléchir
encore avant d’agir de nouveau. Et ainsi de suite dans une dialectique sans
fin. Toutefois, à la malagasy. C’est-à-dire, en circonvolution. Etablir un axe
central puis évoluer en s’enroulant autour. Comme les Malagasy savent user d’une
dialectique tout en rhétorique, les « kabary »
- arts oratoires - des Anciens sont très beaux à écouter, séduisants au point d’être
captivants. Un profond appel à l’intelligence du cœur et la vivacité d'esprit qui associe
harmonieusement esthétique et maïeutique, pas nécessairement du style
socratique.
Maïs et lentilles, repas d'écoliers dans le Sud de Madagasikara Crédit photo: ANDRIANJARA 2014 |
Misère de misère
Dommage pour les oreilles étrangères, ou locales
mais déculturées, qui accusent de palabrer ceux qui s’adonnent aux débats
coutumiers. Totalement à côté de la plaque !!! Passez-moi l’expression.
Ces oreilles-là seront toujours nuisibles à l’épanouissement de l’Être Malagasy.
Or tout schéma vers le progrès, même maquillé en développement quantifiable,
devrait à la fois débuter et s’achever là ! Ce fameux Être Malagasy, les
académiciens diront malgachéité, sert
de point focal au faisceau des affects qui motivent les gens à aller de l’avant.
Elan participatif, dans le langage des consultants.
Le système des aides internationales et autres
soi-disant prêts à taux bonifiés, capitalisation de la sueur des travailleurs
du monde entier en l’occurrence, est savamment orchestré par une
financiarisation dévastatrice. D’abord, au profit d’une administration internationale,
pyramidale et monstrueusement budgétivore. Ensuite, les meilleures parts sont
pour les grands pays et les miettes, pour les petits.
Qu’en est-il, enfin, pour nous ? De toute une
enveloppe mirobolante allouée théoriquement à un programme, d’ailleurs à grand
renfort de médiatisation, franchement ridicule est le montant réel parvenu aux
malheureux bénéficiaires en question. La justesse n’existe pas dans le
dictionnaire, ni l’altruisme dans la bible des élites multiraciales pachas de l’hypocrisie
humanitaire. C’est un sujet sensible qui divise le milieu des consultants
nationaux.
Comme la plupart ne vivent sporadiquement que des
deniers du dit système, très peu oseront se récrier. Ô veulerie, ô trahison !
Même quand il s’agit de fausser d’avance les résultats d’une étude en amont.
Tant pis s’il faut dénaturer la sincérité de l’approche tant qu’il s’agisse de
défendre une démarche sur commande. Claudicante ou contre-nature, peu importe. Présentées
en pointillé, les directives sont les directives : « Parvenez à cette
conclusion et justifiez-la selon les termes de référence ! ». Que
répondre quand l’obligation est sans ambages ? La célérité du déblocage
des fonds, paraît-il, en dépend. Attention, par tranches selon les comptes-rendus
d’étape et jamais en totalité d’une traite. Encombrant chantage… !
Caricaturale description, certes. Maculée de
raccourcis, oui. Mais tellement proche de la réalité aussi. Quand par-dessus le
marché, c’est le cas de le dire, les décideurs politiques de notre si beau pays s’entretiennent
des poches secrètes poreuses, le tableau est complet.
CONFUCIUS ou K'ong-fou-tseu en chinois (vers 552 - vers 479 avant notre ère)
Source: internet
|
Confucius
Pourquoi ici, traîne-t-on autant pour aller de
l’avant ? Question irresoluble, certainement pas. Mais, en ce qui me
concerne, casse-tête irrésolu. Ni par l’engagement culturel avec six albums
musicaux à succès mitigé, trente ans d’instruction du karaté-do et d’enseignement
autant formel que non formel : philosophie, coaching, etc. Ni par
l’engagement citoyen, que de temps et d’efforts engloutis sans résultats
tangibles. Encore moins par l’engagement politique qui a fait éclater au grand
jour combien l’œuvre de toute une vie, confrontée à la férocité du milieu, est
minuscule. L’erreur est peut-être d’avoir trop étreint et donc mal embrassé. Vu
et entendu, retour à la case départ.
S’agit-il de diffuser des idées épaulées par des
valeurs ? Qu’à cela ne tienne, reprenons les règles de base du marketing. Ciblons
le cœur d’un segment. Celui des leaders d’opinion susceptibles d’être les
bâtisseurs de demain, les passerelles entre les élites et les gens du commun. Panel
tout trouvé, échantillonnage sur Facebook. Profilons-le.
Homme et femme. Tranche d’âge : 25 à 40
ans. Niveau d’instruction : baccalauréat à Bacc + 5. Outil usuel :
tablette à ordinateur de bureau. CSP : jeunes cadres dynamiques. Caractère
principal : ambitieux. Caractéristique particulière : patriote.
Handicap commun : confusion du virtuel avec le
réel. Très forts pour discourir et toujours indisponibles pour agir.
Trait particulier : culturellement minimaliste.
Flagrante lacune en approfondissement aggravée par une mauvaise hygiène
intellectuelle, celle du pique assiette sur internet. « Rien qu’un clic.
Je sais tout mais ne retiens rien. Rien qu’un clic et tout me revient. » Inutile
de trop fatiguer le cervelet, nul besoin
d’expérimenter. Lecture systématique en diagonale. Apprentissage par
procuration.
Personne n’est à blâmer. Les choses
sont ainsi faites dans le meilleur des mondes possibles. Soit l’éducateur « old school » boude pour se
morfondre dans son coin. Soit il se déprogramme lui-même pour mieux se
réinventer et trouver d’autres approches dans la foulée. Avant de remonter au
front, il va au charbon en commençant par se remettre en question. Rien n’est jamais
garanti d’avance en matière de formation. Les apprenants sont si différents les
uns des autres. Autant donc travailler le côté « état d’esprit ».
Par la suite, comme il est écrit dans Wikipédia
à propos de Confucius, je cite.
« (…) la
lecture attentive des Entretiens
montre qu’il n’a pas voulu s’ériger en maître à penser, et qu’au contraire
il voulait développer chez ses disciples l’esprit critique et la réflexion
personnelle : « Je lève un coin
du voile, si l’étudiant ne peut découvrir les trois autres, tant pis pour lui. »
SALANITRA NY AMBANILANITRA |
S’il vous plaît
D’où la
publication récente du billet titré « S’IL
VOUS PLAÎT ! », délibérément en majuscule et avec un point d’exclamation,
sur Facebook. Le dessein est d’attirer l’attention sur « Portes ouvertes sur le monde des pensées » dans le
groupe public bilingue français-malagasy SALANITRA NY AMBANILANITRA.
Des
statuts prêt-à-commenter y sont disponibles sur les baha’i, l’islam, le
christianisme, l’hindouisme, le bouddhisme, le taoïsme, le shintoïsme, le
confucianisme, le déisme, le théisme, l’athéisme, le nihilisme, la cosmogonie
d’Urantia, être positif et devenir optimiste, … La liste n’est pas exhaustive.
Et, bien sûr, une rubrique spécifiquement malagasy.
S’IL VOUS PLAÎT !
S’il vous plaît, vous avez bien une minute ? S’il vous
plaît, lisez ce petit billet.
Pourquoi est-il si nécessaire de connaître « le
monde des pensées » ?
Certainement pas pour se masturber l’intellect avec de
l’abstrait.
Face au syndrome imbécile, car suranné, du
« vazaha », … c’est pour GAGNER. Bonté de bonté ! Nous sommes
adultes, non ? Faisons-lui face, à l’ « étranger ». Arrêtons de
lui cirer les chaussures. Relevons la tête. Et fixons-le dans le blanc des
yeux. Connaissons-le, pour commencer.
A moins de voyager partout, s’intéresser au monde des pensées
aide à connaître les gens. Savoir qui est Confucius nous aide à mieux cerner
les Chinois qui s’implantent de plus en plus au pays. Connaître l’Islam et
l’hindouisme nous évite de jalouser hargneusement les « karana »,
indo-pakistanais. Sachons comment ils fonctionnent dans leurs têtes. Ce qui
leur est sacré est leur force. Et là où est leur force, se trouve aussi leur
faille. Savoir ce que sont le déisme, le théisme et l’athéisme nous renseigne
sur la mentalité courante des occidentaux. Et ainsi de suite.
Celui qui sait, ne souffre d’aucun complexe face
à l’ « étranger ». Courage ! Connaissons nos vis-à-vis.
Mieux nous serons cultivés, plus forts nous serons chaque fois qu’il s’agira de
les affronter. Nous saurons mieux négocier dans le sens de nos intérêts.
Pourquoi se familiariser avec « le monde des
pensées » ? Pour apprendre à SE FAIRE RESPECTER.
Et le comble, vous savez quoi ? C’est en vérité, ce
qu’attendent de nous tous les étrangers qui se désolent d’être traités de
« vazaha ».
S’il vous plaît, pensez-y.
Avant de
nous quitter pour aujourd’hui, empruntons à nos Anciens leur sagesse:
« Ario ny teniko
raha misy diso. Ny tenabeko kosa tsinjovy mandeha satria havanareo. »
“Jetez mes
mots s’ils sont faux. Mais couvez du regard ma silhouette en train de s’en
aller, elle est celle de votre allié. »
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