vendredi 6 juin 2014

« Un heurt de cultures risque de devenir problématique. »

Ci-après, reproduction avec autorisation de l’auteure de l’article: « Un heurt de cultures risque de devenir problématique ». Parution dans L’Hebdo de Madagascar du vendredi 06 juin 2014, n° 0486, page 5. Dossier de la rédaction sur le thème de la mondialisation et intitulé Le Malgache, un métèque chez lui. Rubrique : Questions à …


Vahömbey Rabearison, senior consultant en ingénierie culturelle.


Début de citation.

« A travers ses actions visant à relier les investisseurs privés et autorités locales, traditionnelles et étatiques, le spécialiste en ingénierie culturelle œuvre pour une authentique dynamique de développement culturel, condition sine qua non d’un authentique progrès économique. Au fil de la discussion, Vahömbey martèle ses opinions.

Q : La venue en masse des étrangers, à travers des projets d’investissements ou pour des raisons particulières, provoque-t-elle un choc de culture ?

R : Malheureusement, oui. Nos actualités virent de plus en plus vers le rouge à ce sujet. Les réalités protéiformes d’accaparement de terres, de ressources et de biens sont de plus en plus flagrantes, donc scandaleuses au point de devenir révoltantes. Les doléances, les plaidoyers et les interpellations fusent de partout. Il ne s’agit plus de choc mais carrément de heurt de cultures, d’incompatibilité systémique qui risque de devenir systématique. D’un greffage bâtard ne peut résulter que le rejet. Dommage ! Vraiment dommage pour notre société en post-crise.

Q : Coexistence Karàna-Malgache, les islamistes se marient avec des jeunes filles malgaches mais les jeunes hommes malgaches ne peuvent pas se marier avec des filles islamistes. A part la culture, y a-t-il d’autres raisons d’après vous ?

R : Permettez-moi, d’abord, de faire remarquer que ceux qui se désignent sous l’appellation de « Karàna » n’embrassent pas tous l’islam. Et être musulman ne signifie pas obligatoirement islamiste. Quoiqu’il en soit, je vous livre quand même une réponse possible parmi tant d’autres. La question de différence culturelle mise à part, la raison peut être d’ordre économique. Laisser s’échapper une jeune fille hors du giron habituel, c’est risquer d’égarer une partie du capital familial et communautaire. Tandis que l’inverse permet de maintenir en circuit fermé la gestion et la fructification des avoirs, des biens et des richesses. Ainsi le veut, en règle générale, le mode de reproduction d’un système fondé sur le patriarcat.

Q : Des étrangers émigrent à Madagascar, sans pour autant s’intégrer dans la société, quels impacts ce phénomène provoque-t-il chez le citoyen malgache ?

R : Tout expatrié quelle que soit sa nationalité a le devoir de s’intégrer en commençant par adopter la langue de son pays d’accueil. C’est une nécessité de bonne et saine intelligence. Que ce soit clair ! Sinon toute relation avec les locaux et les autochtones ne pourra qu’être superficielle, ou pire encore, artificielle. Ceux qui refusent de s’y soumettre, n’auront qu’à en assumer les conséquences dues aux préjugés de toutes sortes.

Q : D’après vous, que peut faire l’Etat dans ce cas ?

R : Tant que nos décideurs institutionnels ne sauront faire preuve d’un sens à la fois aigu et élargi de générosité humaine et surtout d’empathie envers les vulnérables et les démunis, notre 4ème république ne pourra qu’en souffrir. La venue en masse des étrangers, comme vous le dites, n’est pas le nœud du problème. Je pointerai plutôt le doigt sur le déficit de confiance entre les gouvernés et les gouvernants incapables de rassurer convenablement leurs administrés.

Q : Et nous, comment pouvons-nous agir ?

R : Il est grand temps pour nous de nous ouvrir de bonne grâce au monde entier. Positivons notre attitude et adoptons ce concept issu du marketing : « glocal ». Vivre local mais penser global. Soyons conquérants où que nous soyons, surtout ici chez nous à Madagasikara. Ne nous contentons point de jouir passivement de nos héritages génétiques, érigeons-nous en patrimoines à léguer à nos descendants. Etre Malagasy se mérite. Soyons-en fiers !

Propos recueillis par Harilala Vololonarivo. »

Fin de citation.


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