jeudi 10 octobre 2013

SeFaFi: "Si vous êtes élu Président de la République, (...)"




A la suite du questionnaire  Si vous êtes élu Président de la République  proposé par le SeFaFi, ci-après nos réponses en italique et en gras par souci de clarté.

Partie prenante de la société civile, le SeFaFi (Observatoire de la vie publique) tient à ce que les citoyens, qui élisent leurs représentants, à commencer par le Président de la République, soient les vrais détenteurs du pouvoir dans la nation. Les élus qui exercent le pouvoir d’État au nom des citoyens sont donc tenus de leur rendre compte de leurs actes, tout au long de leur mandat électif.



Le président de la République jure d’observer la Constitution et les lois. Il lui revient aussi de les faire appliquer. Or Madagascar a de nombreux textes, mais ils sont rarement appliqués : si vous êtes élu, vous engagez-vous à les faire respecter ?

OUI.

Mieux encore, nous demanderons qu’on intègre dans le texte du serment la suite logique des concepts délibératoires que sont « Voady - Ozona – Velirano » . Conformons-nous au contexte culturel malagasy pour préciser les limites rédhibitoires de la teneur  du serment présidentiel si on souhaite voir celui-ci accéder au rang de demande de bénédiction auprès des « ambanilanitra ». La déclaration solennelle se doit d’engager autant le prestataire que sa propre descendance.

« Madio ny tànako miditra eo amin’ny fitondram-panjakana. Madio ny tànako rehefa hiala eo. Mivoady eto ambany masoandro, anoloan’ny tany ama-monina aho. Ren-tany ren-danitra fa miozona amin’ny taranako faramandimbiko aho amin’izany. Izay no velirano ifanaovako amin’ny vahoaka malagasy tsivakivolo.»

Le SeFaFi rendra publics les disfonctionnements observés : acceptez-vous d’en tenir compte et, si nécessaire, de faire sanctionner les abus ?

OUI.

 Le président de la République doit faire appliquer son programme politique dans tous les secteurs de la vie nationale. Nous vous demandons donc de bien vouloir nous informer de manière précise sur quelques points majeurs :


1.  Politique de décentralisation.

La Constitution maintient à la fois les provinces et les régions : quels seront les pouvoirs et les ressources propres des unes et des autres ?
Aujourd’hui, 95 % du budget national est géré par l’État central : de quelles ressources propres et pérennes disposeront les collectivités décentralisées ?
Quel sera le rôle du fokonolona au sein des communes ?

Une nouvelle Constitution élaborée dans les règles de l’art doit être établie avant la fin de mon unique mandat présidentiel. Condition sine qua non de la stabilité durable de notre vie nationale, elle se conformera aux exigences de la décentralisation la plus authentique qui puisse être. Des consultations élargies au maximum permettront de répondre convenablement à vos questions.

S’il ne s’agissait que de volonté personnelle, nous opterions pour le système qui accordera une autonomie optimale assortie d’un vrai pouvoir décisionnel à la cellule d’organisation la plus basique de notre société. Mais comme il est aussi question de cohérence structurelle, et donc d’articulation de toutes les composantes et instances, une étude approfondie doit précéder toute décision en vue de la nouvelle Constitution.

Vous engagez-vous à ne recourir au système des délégations spéciales que pour les cas exceptionnels de vacance de l’exécutif ?

OUI.

La capitale sera-t-elle dotée du statut particulier qui lui fait défaut ?

OUI.


2.  Politique de sécurité et de défense.

Pour dépolitiser les forces armées, vous abstiendrez-vous de nommer des militaires à des fonctions civiles, sauf modification du statut des militaires permettant un versement dans la fonction publique civile ?

OUI.


Mettrez-vous un terme au recrutement pléthorique des officiers supérieurs en adoptant une planification rationnelle à long terme, compte tenu des besoins réels ?

OUI.

Donnerez-vous priorité à la défense des côtes et des eaux territoriales, pour confier la sécurité du territoire à la gendarmerie ?

OUI.


3.  Politique de l’administration publique.

Procéderez-vous à sa dépolitisation effective, en confiant les postes techniques (SG des ministères, chefs CISCO, DRS, etc.) à des techniciens apolitiques choisis pour leur compétence et non pour leur origine familiale, ethnique ou affairiste ?

OUI.

Nous précisons que cette question de dépolitisation de l’administration constitue, entre autres raisons, le motif principal de notre décision de n’effectuer qu’un unique mandat. D’une part, les membres et les sympathisants de notre parti d’origine seront limités dans leurs éventuelles tentations de jouer de leurs influences pour raison politicarde. D’autre part, les fonctionnaires disposeront de plus de latitude pour renforcer leurs mouvements syndicaux indépendamment des contraintes susceptibles d’être imposées en catimini par les courtisans du régime.

Et en sanctionnant les abus ?

OUI.


4.  Politique de l’information.

Préalable : soumission des métiers de la communication et de l’information à une charte d’excellence. Donc, à un code déontologique clair et précis.

Les médias publics ont toujours été monopolisés par le pouvoir, en dépit des promesses : vous engagez-vous à créer un organisme indépendant chargé de nommer leurs responsables et de réguler le paysage audio-visuel ?

OUI.

Êtes–vous décidé à supprimer le ministère de la Communication et à autoriser les médias privés à couvrir l’ensemble du territoire ?

OUI.


5.  Politique de la justice.

Toujours promise, l’indépendance de la Justice n’a jamais été réalisée. Vous engagez-vous à installer la Haute Cour de Justice au plus tard un an après votre investiture (Constitution, art. 167) ?

OUI.

Le Président de la République est garant de l’indépendance de la justice (art. 106) : renoncerez-vous, ainsi que votre Ministre de la Justice, à la présidence et à la vice-présidence du Conseil supérieur de la Magistrature qui pourra ainsi gérer et sanctionner en toute indépendance, en faisant modifier l’article 107 de la Constitution ?

OUI.

Accepterez-vous de nommer un ministre de la Justice qui ne soit pas un magistrat (et un ministre de la Défense qui ne soit pas militaire, etc.) ?

OUI.

6.  Politique de l’éducation.

Vous engagez-vous à rétablir la gratuité de l’enseignement public garanti par la Constitution ?

OUI.

Quelle langue d’enseignement préconisez-vous ?

MALAGASY.

Que ferez-vous des enseignants FRAM, dont la formation est notoirement insuffisante ?

Les programmes scolaires sont inadaptés : quels sont vos projets pour y remédier ?

Comment revaloriserez-vous l’enseignement technique et agricole ?

L’enseignement public ne suffit pas à scolariser tous les enfants : que ferez-vous pour aider et encadrer l’enseignement privé ? 

C’est toute une réforme qui est à opérer dans le domaine de l’enseignement, comme pratiquement dans tous les autres d’ailleurs. Il faudra confronter les vues des uns et des autres pour tirer parti des meilleures options et propositions.

Etant nous-mêmes issus du milieu de l’enseignement, nous sommes profondément conscients de la valeur de vos questions. Nos experts ont déjà leurs propres réponses. Toutefois, nous préconisons d’engager, le moment venu, des échanges d’expérience avec d’autres personnes-ressources dont celles issues des domaines contigus à celui de l’enseignement. Voire même de celui de l’éducation en général ainsi que du culturel dans sa globalité.

Précisons que le domaine de la transmission du savoir et du partage de connaissance constitue le point focal de notre vision politique qui intègre tous les secteurs de la vie nationale.

Voilà pourquoi, en matière de progrès, la notion du mieux-vivre doit précéder celle du développement.


7.  Politique des ressources naturelles.

Vous engagez-vous à réviser le Code minier et le Code pétrolier afin de préserver les intérêts nationaux ?

OUI.

Procèderez-vous à un audit des permis et contrats miniers et pétroliers, notamment ceux passés sous la Transition, et à les renégocier comme cela se fait aujourd’hui dans bon nombre de pays africains ?

OUI.

Rendrez-vous publics les contrats miniers passés et à venir ?

OUI.

Vous engagez-vous à créer un Fonds minier qui gérera les bénéfices des ressources naturelles renouvelables (halieutiques, de bois précieux, etc.), minières et pétrolières, notamment pour développer les infrastructures du pays ?

OUI.

Et soulignons clairement : en accordant priorité, en matière de bénéfices, aux communautés locales d’où sont matériellement issues les ressources.

Comment préserverez-vous l’environnement ?

Afin de nous expliquer convenablement, permettez-nous de rappeler que notre vision du monde se fonde sur le « Mahaolona », le divin en l’humain, qui constitue aussi un processus à part entière. A savoir,

« Olombelona » est celui qui s’intègre consciemment dans son environnement naturel. « Olombanona », celui qui se façonne dans le milieu éducationnel. « Olon-kendry », celui qui se perfectionne lui-même de son propre chef. « Olona », résultat final, est celui en qui le « Mahaolona » se manifeste. Autrement dit, celui qui manifeste le divin en lui.

Cet humain plein du divin sait considérer tout ce qui l’entoure comme divin aussi. Qu’il s’agisse de minéral, de végétal, d’animal, d’humain ou de supra-humain. Vu ainsi, l’environnement est donc simultanément porteur et véhicule de la symbolique du Sacré. Sous cet angle, environnement ne se traduira plus simplement par « tontolo iainana » ou « tontolo ivelomana », mais carrément par « voaàry manontolo ». Donc, univers entier. Forcément, sacré.

Cette notion universellement ancestrale de l’environnement doit être (ré)-assimilée, quitte à être inculquée, dans le courant de la quotidienneté. Autant rurale qu’urbaine.

Ainsi, toute question environnementale a intérêt à se rapporter au culturel et donc à l’éducationnel. De ce paradigme découle divers aspects pragmatiques dont la législation et l’application de celle-ci. Et ainsi de suite.


8.  Politique sociale et de l’emploi.

Que ferez-vous pour récupérer les centaines de milliers d’emploi détruits par la crise politique ?

Parlons plutôt de créer et non seulement de récupérer. Souvenons-nous que grand nombre de ces emplois dont nous regrettons à raison la disparition, convenaient quand même fort mal aux normes spécifiques du travail décent. La reconstitution du tissu économique pourvoyeur de revenus nous donnera l’occasion de revoir en profondeur la meilleure manière de faire. Réforme, encore.


Vous engagez-vous à généraliser la couverture sociale pour tous, y compris le paysannat et le secteur informel ?

OUI.

Le binôme Coopérative / Mutuelle en constituera le fer de lance.

Comment comptez-vous concrètement créer des emplois urbains et agricoles et sur la base de quel chronogramme ?

Comment procéderez-vous pour augmenter le salaire minimum et réduire la pauvreté ?

D’emblée, dégageons-nous de tout malentendu et autre méprise. Il ne revient pas du tout au Président de la République de créer concrètement des emplois. Son rôle est d’instaurer, surtout dans le contexte actuel et afin d’émerger au plus vite de la situation de crise, le climat de confiance nécessaire au redémarrage et/ou au développement des affaires publiques comme privées. Sa fonction est, d’abord et avant tout, politique.

Sa tâche est d’impulser la synergie nécessaire au niveau de toutes les instances dirigeantes afin que sa vision, pour laquelle il se sera fait élire, se traduise en actions grâce au savoir-faire de ses multiples collaborateurs, à l’élan fourni par les intervenants de tous bords et surtout à la contribution volontaire de toutes les forces vives de la nation.

Rapprochons  le profil du Président de la République, du moins en ce qui nous concerne, avec celui du coach. Il se fait épauler par un vivier, de préférence malagasy, à haute valeur de polyvalence. Des spécialistes de l’ingénierie multisectorielle : concepteurs, analystes, créatifs, planificateurs, réalisateurs, évaluateurs, médiateurs, opérateurs, entrepreneurs, … Pratiquement, les représentants de tous les secteurs d’activité liés au développement.

Visionnaire, le Président de la République incarne le vecteur principal de la solidarité autour de son projet de société. L’ouverture d’esprit est, pour lui, l’une des qualités essentielles à cultiver. Ainsi saura-t-il répondre aux mieux aux questions posées précédemment. Comme le premier semestre du mandat semble présenter les pires signes de difficulté, à croire les connaisseurs, seul l’établissement d’une véritable chaîne de solidarité permettra à la nation de rebondir ensemble par palier vers la sortie de crise.

Le premier mandat présidentiel de la Quatrième République constituera, en définitive, la véritable transition pour la reconstruction du pays.

A ne surtout pas confondre avec celle encore en place qui ne l’est que de façade puisque sans aucune consistance. Bon, passons.


9.  Politique économique et foncière.

Que ferez-vous pour développer les secteurs agricoles et industriels ?

Réforme systémique.

En matière foncière, la régularisation ne constitue pas une politique. Vous engagez-vous à gérer les achats de terres par les étrangers dans la transparence et en concertation avec les habitants des lieux ?

OUI.

Et rappelons que la terre, pour nous malagasy, est sacrée. Notre cosmogonie, notre conception du monde est claire. C’est nous, les humains,  qui appartenons à la terre. Et surtout pas l’inverse à l’image de la considération mercantile du sol qui assimile celui-ci à un simple rouage de la production au service d’un consumérisme débridé.

La terre est vivante. Elle nous nourrit. Attention ! Douée de vie, elle a la capacité de se révolter et de nuire irrémédiablement à ceux qui se contentent de l’exploiter sans état d’âme. Ainsi prévenus, les dirigeants malagasy doivent en être pleinement conscients. A commencer par le Président de la République.

Conclusion

Lors de cette phase pré-électorale, nous avons sciemment décidé de ne nous compromettre par des emprunts nulle part. Cette dure décision prise en toute connaissance de cause nous permettra, une fois élu Président de la République, de disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour sélectionner librement nos collaborateurs et nos partenaires. Ainsi que nos meilleurs alliés, nationaux et internationaux, pour servir en toute priorité les intérêts de notre pays.

S’occuper du présent et préparer l’avenir de Madagasikara imposent de réformer  en profondeur presque tous les secteurs. Seule, la solidarité en sera la condition-clé.

« Totovarim-bazimba, izay tsy mitoto tsy mihinana. »

Pilage de riz chez les « vazimba » (1). Qui ne pile pas, ne mange point.

« Tono hena tsara zara, mampateza soronafo. »

Partager en toute équité la viande grillée encourage tout le monde à entretenir le feu du foyer.


Antsirabe, 10 octobre 2013.

Rabearison Roland Dieu Donné Vahömbey.




(1) VAZIMBA : Peuplement proto-malagasy situé aux confins de l’histoire nationale. Evoquer son existence formelle dans un cadre conceptuel signifie faire appel à la symbolique du sacré enfoui dans les mythes fondateurs de Madagasikara, terre d’élection des merveilles naturelles et des mystères culturels.





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