lundi 20 janvier 2014

L’interview, L’Observateur du lundi 20 janvier 2014 – numéro 985, page 15



































Présentation de l’interviewé :

Qui est Vahömbey ?

Agé de 55 ans, Vahömbey était candidat malheureux au premier tour de la Présidentielle. Côté académique, il a étudié la Philosophie et approfondi l’Anthropologie ainsi que l’Ethnomusicologie. En tant que Merina, Tandroy et Baniân, il affirme être intéressé par la culture antandroy. Il a appris le métier de communication, notamment de la radio. Il était à la Radio-Madagasikara. Il s’initia à l’audiovisuel et était à la TV5 Paris. Il a appris le marketing, la gestion de portefeuille des clients de grands comptes du temps où il était à l’Agence Tam-Tam. Il a fini par devenir coach. En bref, il est philosophe, anthropologue, ethnomusicologue, communicateur et réalisateur de documentaires télévisés. Des documentaires qui font toujours référence à Madagascar. Il est également un ingénieur culturel.

Titre de l’interview :

Vahömbey : « Je suis prêt à collaborer si Hery Rajaonarimampianina me le demande. »

Chapô :

Ayant fait le déplacement pour assister à la proclamation officielle des résultats du scrutin du second tour de la présidentielle vendredi dernier, Dieu Donné Roland Rabearison dit Vahömbey affirme avoir confiance au nouveau Président de la République Hery Rajaonarimampianina.

Question :

D’après votre cursus, vous figurez parmi les intellectuels qui ont eu la possibilité de quitter le pays pour mener une vie meilleure à l’étranger. Pourquoi avez-vous choisi de rester au pays ?

Réponse :

Si je suis intéressé par l’argent, je peux travailler à l’extérieur. Pourtant, j’ai choisi de rester à Madagascar même si je gagne moins parce que je veux aider mes compatriotes. Ce n’est pas mon intérêt personnel que je considère mais celui du peuple malgache. Je ne suis pas un simple artiste. Je peux enseigner à l’université. Je suis direct comme vous avez dit tout à l’heure. Je le suis parce que je veux œuvrer au profit de la couche défavorisée. Je vous rappelle que j’avais quémandé dans les rues [ à une période de mon enfance ] et je l‘ai dit pendant ma propagande.

Par rapport à la situation actuelle, le gouvernement qui va être formé devra-t-il s’ouvrir à toutes les forces politiques ?

Je tiens à souligner que j’étais contre le régime précédent, celui de la Transition. Je suis parmi les opposants purs et durs. Je ne suis pas signataire de la feuille de route. Je n’étais pas dans telle ou telle mouvance. C’est pourquoi je n’ai jamais eu l’intention d’intégrer les institutions de cette Transition. La raison est simple. Ce régime est illégal. Après l’investiture de Hery Rajaonarimampianina, on sera dans l’ordre constitutionnel car la nouvelle République sera effective. Si Hery Rajaonarimampianina m’invite à collaborer, je le soutiendrai dans la préservation de la valeur humaine et culturelle malagasy. Un domaine que je maîtrise bien.

En tant que diplômé en philosophie, que pensez-vous de la Constitution de la 4ème République ?

Si j’avais été élu président, la première chose que j’aurais entamée serait celle de retoucher cette Constitution dont le contenu n’est pas du tout clair ni détaillé. Mais actuellement, Hery Rajaonarimampianina est le Président. C’est à lui de répondre à cette question. L’important dans ce texte fondamental est le mot « Fitiavana ». Il faut le retenir car il exprime la valeur malgache. Lorsqu’on va retoucher la Constitution, il faut qu’elle soulève dans ses détails la définition de ce mot « Fitiavana » ainsi que son application.

Candidat malheureux au premier tour de la présidentielle, vous avez fait le déplacement pour assister à la proclamation des résultats officiels de cette élection. Pourquoi ?

Je suis venu ici à Antananarivo depuis Antsirabe pour assister à cette audience solennelle de la proclamation des résultats officiels de cette présidentielle. Je suis venu pour honorer cette cérémonie comme ces gendarmes qui se sont mis en garde-à-vous pendant des heures pour le respect de cette institution ainsi que son autorité. Etre élu président ou non, ce n’est pas ça qui est important pour moi. Ma question est de savoir ce que je peux apporter à ma patrie. Nous tous qui avons assisté à cet événement d’aujourd’hui, nous avons encore de quoi manger. Nous pouvons encore consommer du riz. Ce qui m’amène à dire: Allons considérer les démunis ! N’oubliez pas que j’ai soutenu Hery Rajaonarimampianina au second tour dans la région Vakinankaratra. Vous avez dit que j’étais battu au premier tour. C’est douloureux d’être perdant mais je n’ai jamais eu l’intention de contester le choix de la majorité.

Il est dit que les Malgaches ont perdu leur valeur culturelle et morale. Qu’en pensez-vous ?

Ce n’est pas vrai ! Les Malagasy n’ont pas perdu leur valeur culturelle et humaine qui est basée sur la valeur sacrée de ce pays. Ils se sont seulement trompés de chemin. Je suis confiant qu’en tant que chrétien fervent, Hery Rajaonarimampianina a de la franchise et la bonne volonté pour pouvoir redresser ce pays. C’est pourquoi je suis décidé à l’aider. A l’issue de l’audience solennelle de la proclamation des résultats de la présidentielle, je me suis entretenu directement avec Hery Rajaonarimampianina. Ce que j’ai senti lorsque nous faisions l’accolade, c’est son honnêteté et sa sagesse. C’est une véritable personnalité et j’ai confiance en lui. S’il décide de m’appeler pour travailler avec lui, je suis prêt.

Vous parliez de Hasin’i Madagasikara… Alors parlez-nous en un peu plus.

Quand on parle de hasin’i Madagasikara [ à ne pas confondre avec le parti politique du même nom ], je détiens la clé. Pourtant j’ose dire que je suis parmi les plus cancres en histoire de Madagasikara. Je ne peux pas me mesurer avec les académiciens et les universitaires à ce sujet. Par contre, je connais ce qu’on entend par « atidoha hafa » [ ati-boàfa ], c’est-à-dire la chose qui se cache au fond des entrailles. Tel est mon atout. C’est pourquoi je n’ai pas lutté pour devenir Président de la République. Plus d’un m’ont interrogé pourquoi je n’ai incité personne à voter pour moi. C’est le caractère sacré de ce pays ou « hasin’i Madagasikara » qui m’intéresse. Je suis un Mpanazary (celui qui détient les valeurs traditionnelles).

[ L’occupation favorite du Mpanazary - jardinier de l’univers - est de recréer sans cesse l’harmonie en lui et autour de lui. ]

Pourtant vous vous êtes porté candidat à la Présidentielle. Pour quelle raison ?

D’abord, je suis content de l’élection de Hery Rajaonarimampianina en tant que Président de la République parce qu’il était le ministre des Finances. Il connaît bien la situation de notre Trésor Public par rapport aux autres candidats qui se sont présentés à cette élection. Il sait comment redresser l’économie malgache. Si j’avais été le Président de la République, c’est le « atidoha hafa »[ Ati-boàfa ] qui nous rend confiants en un avenir meilleur pour notre pays que j’aurais eu à faire valoir.

Il ne faut pas oublier que Hery Rajaonarimampianina devra se consacrer à la mise en place de toutes les infrastructures économiques et les superstructures financières pendant la première année de son mandat. Pendant un an, il devra s’atteler aux négociations avec les bailleurs de fonds. En attendant, que vont-ils faire les gens qui se trouvent dans les rues et dans la pauvreté ? Il faut faire rêver ces gens. Il faut qu’ils prennent conscience de leur valeur en tant que Malagasy. Œuvrer dans ce sens est la spécialité de Vahömbey. Je me suis formé pour cela.

Le mot de la fin ?

« Madagasikara manankasintsara. » Hery Rajaonarimampianina est élu Président de la République. La chose la plus importante à mon sens, moi qui ai eu une formation de philosophe, d’anthropologue et d’ethnomusicologue, d’artiste mais qui suis aussi politicien par nécessité, … Je suis convaincu que le nouveau président qui est économiste et financier, est quelqu’un qui a une authentique vision macroéconomique soutenue par de sacrées expériences et formations en matière de Finance. C’est vraiment la personne dont nous avons besoin. C’est quelqu’un de carré. Tout ce que j’ai envie de lui donner aujourd’hui n’est autre que ce qui est irrationnel, irraisonnable, spirituel et sacré au nom de la terre de Madagasikara parce que de tous les pays d’Afrique… Voyons les actualités… Tout le monde s’est battu mais à Madagasikara, ce n’est pas le cas.

Je souhaite aujourd’hui que chacun de nous autres 32 candidats recalés car Hery Rajaonarimampianina s’est échappé de la mêlée, fasse preuve de fair-play.


Propos recueillis par TEHOLY Martin pour L’OBSERVATEUR.

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