mardi 2 août 2011

Bientôt 52 ans : « Pour la route »


                                          Le Vide et La Voie *


J’ai vu le jour naître un dimanche 09 août 1959 dans un village qui s’appelle Ambodifarihy, près d’AmparafaravolaLac Alaotra. J’aurai vécu en Antsihanaka mes meilleures vacances scolaires surtout à Ambatosoratra, terroir d’adoption de ma famille maternelle.

A ma mère

Je suis né une seconde fois un jeudi après-midi, mais dans la pire douleur cette fois-ci, en février 1972 dans le quartier d’Ampandrana à Antananarivo quand j’ai découvert trois cadavres d’un seul coup : ma mère, mon frère cadet et ma sœur. Ils se sont suicidés. Ma mère, poétesse très connue dans le milieu des artistes de l’époque, aura mis fin à ses jours ainsi qu’à ma fratrie consentante.

Oui, j’ai été prévenu de leur décision de « partir ». Ma mère, divorcée depuis quelques années déjà de mon père, a croulé sous les dettes et ne voulait pas laisser ses enfants derrière elle. Nous étions trois. Mes cadets l’ont suivie volontairement. D’ailleurs, c’était l’énième fois d’un suicide collectif en 3 ans. Chute sociale et dégringolade psychologique vers un gouffre où nous avions fini par toucher le fond, 4’mi avant l’heure. SDF devenus mendiants dans la rue, nous étions devenus ! Toute honte bue, toute fierté foulée et toute dignité refoulée. A la merci de tous les prédateurs, des huissiers aux pédophiles !!

Moi l’aîné, à 12 ans et ½, j’avais décidé de rester. Pour survivre ? Pour me battre ? Contre quoi ? Je n’en savais rien de rien. Tout ce que je connaissais, c’était cette horrible rage au ventre. Quel scandale, ce suicide des miens ! Mais quel scandale !! Quelle énorme souffrance pour l’enfant que j’étais !!! Aujourd’hui encore je me demande comment j’ai fait pour marcher sans eux que j’adorais le plus au monde. Tout ce qui me reste de ma mère est le tube encore d’actualité de M.R Razafy, « Ny sarinao, ry tiana, tsy manana sahala, (…) » poème de ma mère qui évoque sa séparation avec mon père. Merci à ma mère de m'avoir laissé en héritage ce trésor dont aucun huissier ne pourra jamais me dépouiller.

Pensionnaire au Lycée Technique Industrielle d’Alarobia, à cette époque, j’ai attaqué comme un grand que j’étais subitement devenu ma première cigarette, gitane filtre. Puis, mes premières bouffées de joint que les grands osaient difficilement refuser au petit « martyr » dont je me gargarisais stupidement du rôle. Mais la vie est aussi généreuse pour ceux qui s’égarent. Un copain de dortoir m’a mis entre les mains le « Guide marabout du karaté » de Roland Habersetzer. Condition : ne plus partager avec eux leurs joints. Captivé, sans même vraiment savoir pourquoi, je me suis mis avec grand sérieux à décrypter à l’aveuglette cet art martial.

Un autre copain, pour me soutenir, m’a appris mes premières notes de guitare. En guise de pacte pour marquer indélébilement ce nouveau départ, mes amis m’ont fait un tatouage à l’encre de chine avec des aiguilles de couturière sur l’avant-bras gauche. Mon serment : le karaté-do et la musique seront mes compagnons pour toute l’existence. Ma route venait de débuter.

A mon père

Aujourd’hui, je rends enfin grâce à mon défunt père qui a su me récupérer et faire de moi ce que je suis. De même à ma belle-mère qui a éduqué vaille que vaille ce qu’on appelle en malagasy zana-baratra, enfant de rivale. Qu’est-ce que ça devait être dur pour eux de m’élever ! Heureusement, avec l’aide des proches de ma belle-mère dont une religieuse dont je tairai le nom par profond respect. Ayant fait ma scolarité chez les catholiques, on m’a fait autant découvrir Albert Camus, André Malraux que Teilhard de Chardin. Tenaillé par la quête de l’absolu et avide d’une paix intérieure totalement inconnue, j’ai commencé à me passionner pour la philosophie. Du coup, me sont venus le sens de l’ordre et la discipline. Au point de vouloir m’engager sous les ordres à la sortie de mon adolescence. Mais mon père a su tenir bon. Ni prêtre, ni militaire. Merci à mon père d'avoir su me dompter: le mors sans les oeillères. Merci du fond du cœur.

Baccalauréat série A1 en poche. Mon père qui en avait encore les moyens, voulait m’envoyer en France faire les grandes études inaccessibles à son époque pour les indigènes. Soit dit en passant, je suis citoyen uniquement malagasy et le demeurerai toujours. C’est un choix strictement personnel que je n’ai jamais voulu imposer à mes enfants. A chacun son histoire avec ses parents.

Et pour reprendre le fil de l’histoire, j’ai pourtant refusé d’y aller. Mon père est « parti », lui aussi, sans avoir jamais su pourquoi. Lors de mon service national, on m’a opéré d’abord à cause d’une appendicite aigüe. En fait, le médecin traitant m’a découvert une tumeur, en état stationnaire, au niveau du bas-ventre. Décidément, c’était devenu schéma « Noir, c’est noir » ! Pratiquant d’aïkido, il m’a fait comprendre et admettre que je pouvais m’en sortir à condition de poursuivre sans relâche les arts martiaux japonais. J’étais 1er kyu en karaté à ce moment-là et combattant intrépide avant d’en arriver à ce point. Désemparé, effondré. Je me souviens. Mon médecin, fin psychologue, m’a arraché des mains un livre de Kafka que j’étais en train de lire sur mon lit d’hôpital. Il m’aurait volontiers flanqué une gifle ! Furieux, il m’a demandé si je voulais enfin vivre ou non.

CUR Toliara

A cause de mon état post-chirurgical, j’ai fortement ralenti ma pratique du karaté pendant l’année où j’ai rejoint le CUR de Toliara pour entamer au départ sans aucun enthousiasme un cursus en philosophie. Me considérant en sursis, j’ai enterré mon secret sur ma tumeur et coupé volontairement les ponts avec mon père. Agressif et dépressif, je me suis laissé aller à la dérive. Une vie uniquement rythmée par la guitare et la musique avec « Les copains d’abord », de nuit comme de jour. Et de nouveau le joint, avec ses délices et ses déboires. Recalé en 1ère année de niveau A, je me suis réveillé.

J’ai repris mon karaté-gi, me suis noué une ceinture blanche et tout repris à zéro dans un dojo de la ville. Bien m’en a pris. J’étais enfin passé du simple karaté au véritable karaté-DO. Les études entreprises plus sérieusement avec une vie de famille fondée à côté, et toutes les galères imaginables pour tout jeune homme déterminé à réussir, ma vie a repris son cours normal.

Mes recherches en ethnomusicologie, après ma Licence en philosophie, m’ont amené à vivre des expériences extraordinaires sur le terrain. Je poursuivais en même temps l’ombre de mon grand-père maternel, ma mère étant née de père inconnu sur son état-civil, dont les chuchotis pendant mon enfance m’ont appris l’ascendance hindoue et antandroy.

Mes pérégrinations m’ont amené à partager le quotidien des authentiques malaso traditionnels selon les us et coutumes - à différencier absolument des dahalo, brigands sans foi ni loi -. De même que les tenants de l’ésotérisme antandroy. Armé de mes connaissances obtenues grâce aux cours suivis en anthropologie sur le sikidy, je me suis aventuré à pratiquer aussi loin que j’ai pu. Par ailleurs, l’alcool et surtout l’herbe consommée en commun avec une petite pipe partagée en toute convivialité dans les petites paillotes antandroy m’ont enhardi à braver les recommandations de mes initiateurs.

Mon sens obsessionnel de la recherche par l’expérience vécue, agrémenté d’un pragmatisme soi-disant cartésien, et ma curiosité pour les coulisses des interdits m’ont amené à pratiquer ouvertement les techniques chamaniques réputées les plus efficaces dans le milieu, mais à hauts risques. Et j’ai effleuré le point de non-retour sur ce sentier broussailleux de la perdition des âmes, à minuit lors d’une lune noire d’un mercredi à jeudi. Catastrophe ! Dégâts collatéraux inimaginables !! Et traumatisme mental sans nom pour ma prétentieuse personne !!! Que ceux et celles dont j’ai bouleversé l’existence, je crains que ce ne soit un euphémisme, me pardonnent s’ils le peuvent. Je révèle en public cet épisode aujourd’hui pour signifier que je rampe par terre pour leur demander pardon.

J’ai failli être radié de l’université à cause de ces « travaux de laboratoire » douloureusement manqués. Merci à mes respectables professeurs d’avoir fait preuve de magnanimité à mon égard. Je ne manquerai nullement de le leur devoir en l’appliquant aussi à mon tour à ceux qui le mériteraient.

Au bout de quatre années de recherche acharnée est sorti mon Travail d’Etude et de Recherche « Conscience d’identité culturelle antandroy », trop épais et trop dense pour une simple maîtrise et déclaré insoutenable pour des raisons académiques à l’époque pour un DEA. Etait-ce trop d’avant-garde pour les normes universitaires en vigueur ? Je n’en saurais jamais rien. La partie musicologie était-elle trop technique donc délicate à juger ? L’incursion en esthétique musicale, elle aussi, trop intuitive donc débordant du moule de l’objectivité requise, le lien avec le domaine mystique étant trop appuyé ? Ou simplement, corpus jugé insuffisant par rapport aux assertions avancées ? Que de questions sans réponse et de déceptions dures à avaler.

Tant pis pour les pionniers trop téméraires, le mur du farouchement conventionnel les attend au tournant. Tout orgueil est désormais apaisé de ce côté. J’ai déserté les chemins de l’université. Jusqu’à ce que j’y revienne beaucoup plus tard partager mes acquis de professionnel dans le domaine de la communication et du coaching. Encore en pionnier ! Mais bien reçu, cette fois-ci. En tout cas, mon inscription à Paris VII m’aura échappé. Et avec, l’austère toge des chercheurs universitaires émérites après laquelle j’ai couru 8 années durant. Sans compter les pauvres soupirs d’outre-tombe de mon père en filigrane.

Professionnel

Au grand désespoir des miens, je me suis tourné vers la communication balbutiante à l’époque quand une des meilleures références actuelles en la matière m’a fait découvrir le village global de Mac Luhan. J’ai mené deux carrières en parallèle.

L’apprentissage à la Radio-Madagasikara en tant qu’animateur-pigiste et bon à tout faire à la TVM. Redémarrage en contre-attaque sur fond de pignons martyrisés. Avec une belle satisfaction au bout du parcours de combattant : les couloirs et les studios de RFO-TV à Paris et quelques beaux produits sur le culturel malagasy en tant que Journaliste-Reporter d’Image à la clé. « Cueilleurs de miel, Funérailles dans le Sud de Madagasikara, La magie à Madagasikara, … ».

A côté, gros efforts pour intégrer avec succès le gotha de la musique malagasy contemporaine, jazz et surtout rock. Quelques belles aventures et mémorables mésaventures, look franchement provocant et le fameux joint pour faire vrai. Ah ! La grosse tête du jeune premier, presque toujours fauché, qui s’usait les semelles des santiags sur le bitume plutôt la nuit que le jour. Qu’est-ce qu’elle était dégoulinante de rogue cette folle herbe de star-là ! A se cacher de honte sous la table aujourd’hui. Mais la vie veille.

Prévu commencer une véritable carrière internationale à La Réunion, je me trouve bloqué au pays par la grève de 1991. Unique alternative, départ pour Ambilobe où l’opportunité propose à mon amertume de me reconstruire à nouveau. Sur place, surpris par la rudesse de ce que les habitués y fument à longueur de journée par 32° à l’ombre, je me suis payé une fièvre de cheval d’une quinzaine de jours après un abus trop imprudent de la chose. Là, j’ai décidé d’arrêter de prendre ce péché pour plus mignon qu’il n’est. On s’est lâché la main, à chacun son destin.

J’ai noué avec plus de conviction ma ceinture noire. Direction vers le dojo du bourg où je fus très bien accueilli. J’ai réappris à suer sainement. Enfin, la passion. Celle d’avant mon opération chirurgicale. Des kohaï, cadets du dojo, ont su me convaincre pour les accompagner en brousse profonde. Il fallait marcher sur plus d’une centaine de kilomètres par monts et par vaux pour prospecter de l’or du côté de Daraina. Travail de forçat et conditions de vie draconniennes en pleine forêt, coupé de tout. On n’y demande pas la carte d’identité nationale. Et les fuyards de toute sorte s’y côtoient. Les différends se règlent virilement. J’étais dans mon élément à nouveau, remise en question sans exit de tout acquis, toute habitude.

Unique critère de respectabilité, les pépites d’or trouvées après tamisage mais à chercher sous forme de gros sacs de gravats qu’il fallait extraire des entrailles des puits à coup de barre à mines de 12 kg. Travailler à 30 mètres sous terre sans échelle ni filet de sécurité. Kamikaze, ou à tout le moins casse-cou. Ou on s’en sort, ou on crève. D’ailleurs, c’est arrivé à certains malchanceux. Je l’aurai bien cherchée ma belle thérapie pour me désenfler la poire de la star de pacotille . Que de fraternité et d’ouverture de cœur aussi avec ces orpailleurs de métier, ma famille antankarana d'adoption. Epreuve de dure ascèse franchie. Renaissance à nouveau.

Civilisation

En rejoignant Antananarivo et sa civilisation, je me suis mis à traquer le Zen dans le Vide et sur la Voie. Même en évoluant dans le milieu du marketing outrancier, de la pub mensongère et du tape-à-l’œil sans véracité. J’ai appris à gagner de l’argent sur le dos de babylone-city, à choyer mes enfants, au point de les gâter stupidement parfois. Pour me rattraper peut-être ?

Puis, ce fameux tournant en 2002. L’entreprise où je travaillais était en plein essor vers l’Océan Indien. Les grèves allaient encore me gâcher l’existence et en écorner la dorure. Moi qui ai contribué à faire voter pour feu Herizo Razafimahaleo, en toute conviction, avec les résultats qu’on connaît. Face à la menace des dérives place 13 mai dès fin février, j’ai décidé en toute âme et conscience de me lever pour la non-violence. D’où mon engagement sur Radio-Mada chaque matin durant  9 mois pour comprimer l’hémorragie. Honnêtement, je voulais sauver la situation pour que mes activités, rétribuées à la hauteur de mes prétentions de l'époque, puissent reprendre.

Voilà pourquoi j’ai refusé, entre autres raisons strictement personnelles, que des proches du Président de l’époque intercèdent pour me faire devenir ministre ou député. Par ailleurs, par fidélité à mes principes humanistes, j’ai laissé toute mon épargne, combien largement conséquente, s’évanouir en aides et prêts pour tous ceux qui en avaient besoin. Il n’a jamais été aucunement dans mon intention de les récupérer sous quelque forme que ce soit. « Ny soa atao, levenam-bola ».

Ici, je me permettrai volontiers une petite digression. Mon refus de m’associer aux dividendes du pouvoir entre les mains des tenants du régime de 2002, et peut-être aussi mon insoumission déclarée publiquement depuis 2007 malgré leurs velléités d’enrôlement, m’ont valu de leur part une inimitié que j’éviterai de qualifier.

Je m’oppose donc vigoureusement aux rumeurs qui laissent entendre que je serais de leur écurie. Ou pire encore, que je leur aurai servi de caisse d’épargne locale lors de leur fuite que je suis loin, mais alors très loin, d’avoir pu apprécier. D’autant que cette lamentable méprise m’a valu des ennuis courant 2009 de la part des zélateurs du coup d’Etat cette fois-ci.

Et quels ennuis ! Entre autres, épée de Damoclès sous forme de mandat d’arrêt, heureusement non-exécuté grâce aux témoignages de quelques bonnes volontés que je ne saurais jamais suffisamment remercier. Que ce soit clair ! Si je l’avais voulu, je serais resté avec eux depuis leur début. J’aurai été leur voix en 2002 sans que jamais ils n’aient été mes maîtres. Fermons la parenthèse.

Privé

Ces péripéties, ces zigzags qui ont animé la dialectique de ma courte existence, ont fini par briser mon foyer en janvier 2009. Le consentement mutuel n’existant pas chez nous pour les cas de divorce, j’ai volontairement pris à mon compte exclusif tous les torts. Hommage à quelqu’un qui ne m’a jamais ménagé son soutien malgré les turbulences. Et Dieu seul sait s’il y en a eu. Après le suicide des miens en 1972, cet éclatement de mon propre foyer aura été pour moi la pire des crises. On peut épiloguer comme on veut sur ce chapitre, le divorce demeure à mes yeux le pire échec qu’on puisse connaître. Surtout quand on devient grand-père sitôt après !

La vie n’est malheureusement pas un jeu vidéo où on efface tout et on recommence à zéro. On peut recommencer mais avec des handicaps, des séquelles, des bosses et des cicatrices. Paradoxalement aussi, heureusement, la vie est meilleure qu’un jeu virtuel puisqu’on s’y reconquiert indéfiniment. A condition de se relever, d’épousseter son lamba et de faire de ce qu’on croit avoir perdu le ferment d’une nouvelle promesse de bonheur.

Aujourd’hui, fermement décidé à m’améliorer chaque jour que Dieu m’accordera, je me reconstruis auprès d’une compagne tombandahy comme l’a soulevé notre pasteur lors de sa prêche dimanche dernier au Fiangonana Loterana Malagasy Antampontanàna-Antsirabe. Tombandahy : quelqu’un qui attend peu de personne. Quelqu’un d’entreprenant avec une hargne de bâtisseur. 

Elle est aussi concrète dans ses réflexions et actes quand moi je jongle comme un enfant avec l’abstrait. Son pragmatisme l’amène à se préoccuper d’infrastructure quand le mien est plus à l’aise pour systématiser la superstructure. Elle s'amuse avec les chiffres et construit ses rêves sur du solide à partir de ses formules scientifiques quand moi je soupire d’aise en voyant gambader les bons mots d’une belle prose ou la coulée harmonieuse d’un thème musical. Là où nous nous rejoignons, c’est sur la quête spirituelle. Comme chacun veut l’entendre, bien sûr. De là naissent nos échanges âpres des fois mais si vivifiants. Le yin et le yang.

Le meilleur qui nous réconcilie, c’est ce projet commun de mettre en place un lieu où se formeront et s’éduqueront les jeunes et les moins jeunes. Ceux qui ont juste besoin du coup de pouce idoine pour s’élancer dans la vie avec leurs propres personnalités comme unique capital.

Personnel

Mon rêve personnel ? Parvenir un jour à nouer la ceinture blanche sur mon keikogi, karaté-gi si vous préférez ou kimono pour parler impropre mais connu de tous. Au bout de 40 ans de pratique du karaté-do, j’étrenne mon 5ème dan. C’est peut-être un grade. C’est surtout une graduation sur un seul décimètre de l’infini offert par la voie royale de l’art martial. Elle permet d’estimer le chemin parcouru et surtout celui à arpenter encore. Tout compte fait, je n’en suis qu’à la moitié de la première tranche de la route. Si tout comme mes pairs, je garde dans mon collimateur la fameuse ceinture rouge du 10ème dan, je sais que mon véritable intérêt va au-delà : zéro dan.

Très récemment, je me suis interrogé avec plus d’ardeur sur un concept japonais qui, me semble-t-il, a accompagné ma vie jusqu’ici: rônin. Tant et tant de définitions à ce sujet, vous savez. Dès lors, je préfère en donner la plus simple qui, à mon sens, lui confère sa noblesse. Samouraï sans maître, ni terre, ni demeure et en quête de l’ultime. Peut-être se fera-t-il ermite au bout de son ascèse, avant de vouloir revenir vivre en toute modestie et simplicité parmi les hommes ? Il n’en sait rien, ne se pose nulle question et aligne un pas derrière l’autre. Seule pour lui, la Voie compte. Le chemin est plus important que l’horizon, son but. Il se dépouille de son armure et de ses armes à mesure qu’il avance. Et plus il avance, plus l’esprit l’investit. Il respire chaque instant comme une renaissance en soi puisque pour lui-même il est déjà mort. Voilà pourquoi il chemine : libérer le Soi qu'entrave encore son moi.

Ce rônin a toujours été là. A mes côtés sans défaillir. Notre ultime service, celui qui nous affranchira encore plus de nous-mêmes, est ce mandat présidentiel unique qui nous attend. C’est le sommet de la montagne qui reste à gravir pour atteindre l’autre versant. Ou directement les nuages, Dieu seul le sait. En tout cas, lui et moi, nous savons que nous sommes en phase d’être ce que nous avons toujours voulu devenir : jardiniers de l’univers.

Nous ne nous embarrasserons donc pas d’argent, ni d’autres biens terrestres. Cela nous importe peu. Nous sommes nous-mêmes nos propres fardeaux et en nous-mêmes, notre propre fortune. Nous n’aspirons plus aux honneurs, ni à la gloire, ni à la victoire. Notre moitié de décimètre nous a amplement prouvé combien c’est éphémère et dérisoire. Nous voulons seulement rendre service. Aux autres, bien sûr. En contre-don, si uniquement ils le veulent, de leur tso-drano - meilleurs sentiments et belles pensées - pour encourager notre transcendance vers un vaste inconnu à découvrir.

Le sommet de la montagne, à l’avant-garde de la Nation, paraît-il, est plus qu’étroit. Voire même, pointu. Très difficile de s’y tenir en équilibre et de s’y maintenir dans la stabilité, nous avertit-on. Malgré tout, avec le rônin, nous nous disons : si aucune technique n’y correspond, l’esprit de la technique y pourvoira.  Du cœur du Vide, à la lisière de la Voie, surgira l’aura… D’un autre décimètre.


Epilogue

Des articles susceptibles d’intéresser le lecteur sont disponibles sur Facebook, Ravaho Rabearison, rubrique articles. Particulièrement, « Vintana, lahatra, anjara et Maha-Olona » en français.

Je me suis expliqué à cœur ouvert pour éclairer certaines zones d’ombre de ma vie privée, même les plus délicates ou encombrantes. Uniquement en raison de ma candidature. L’enjeu est trop important pour les lendemains de la Nation. L’individu prétendant à la magistrature suprême n’est rien, dans ce contexte précis, face à la communauté dont il sollicite le plébiscite. Faut-il rappeler que les mystifications déraisonnables sont à éviter franchement par les temps qui courent ?

Les marginaux, au génie étouffé ou reconnu, méritent l’attention de la société en général. Leur rôle est très important. Leur supposée, ou réelle, déviance annonce souvent les contours de la société à venir. Comme ils font du « handicap affectif » leur moteur, il suffit d’un peu de sollicitude pour qu’ils se stabilisent et enrichissent le patrimoine de la communauté par leur créativité souvent hors du commun.

Message fort : l’accoutumance aux psychotropes peut se surmonter, voire même se sublimer. Mieux encore, s’oublier. Accompagnons avec amour ceux qui s’y égarent malgré eux. S’ils y vont, c’est pour voir « au-delà » de ce qu’ils supportent difficilement dans leur quotidien et pour obliger le mal-être vicieux qui les ronge à faire pause. Il leur arrive même d’ignorer où ils en sont. Ils souffrent énormément en vérité. Ils sont souvent en quête d’un idéal spirituel. Ils courent, trop précipitamment, après le pourquoi et le comment des choses. Ils ont besoin de cultiver la vertu de la patience et de progresser step by step. C’est la confiance en eux-mêmes et aux autres qui leur manque cruellement. En plus de tous les traitements cliniques possibles et imaginables, aimons-les d’amour. C’est le meilleur antidote.

Gentil avertissement : les nuisances et les mesquineries font, semble-t-il, partie de la vie ordinaire. Les abus d’utilisation de mon patronyme, par exemple, pointent leur nez. Merci d’éviter de leur accorder plus d’attention qu’il n’en faudrait. Moi-même, je ferai pareil J

Entre autres références, et par ordre chronologique de découverte, ces auteurs m’auront particulièrement guidé vers la Voie.

-      Roland Habersetzer « Guide marabout du Karaté »
-      Lao-tseu « Tao-tê-king », Le livre de la Voie et de la Vertu.
-      Baird T. Spalding « La vie des maîtres », « 13 leçons sur la vie des maîtres » et « Ultimes paroles ».
-      Anonyme « La vie et les enseignements de Jésus » partie IV Le livre d’Urantia. 
-      Bernard Raquin « La vie irrésistible ».
-      David Komsi « Les 7 clés du bonheur » et « Le pouvoir de l’attraction ».
-      Roland Habersetzer, articles et chroniques sur le Tengu-no-michi.


"Pour la route" est un titre extrait de l'album "iKAKY", édité en novembre 2009. Pour l'apprécier, prière cliquer sur le lien ci-après.


http://www.reverbnation.com/vah%C3%96mbey


* Calligraphie de Ogura Tsuneyoshi Sensei.


3 commentaires:

VahÖmbey a dit…

"Pour la route", titre extrait de l'abum, téléchargeable gratuitement sur reverbnation.com ,"iKAKY":

http://www.reverbnation.com/play_now/song_3464871

Anonyme a dit…

Bonjour Vahombey,

Merci pour ce témoignage, n'est-il pas nécessaire de préciser que l'agence de communication pour laquelle vous avez travaillé (Tam-Tam)en 2001 était le mandataire de la campagne de M. Ravalomanana et que naturellement vous avez été un membre exécutif de cette agence en tant qu'employé.

Omettre ce point de détail risquerait de semer le doute pour vos proches.

Cordialement.

Banjina

VahÖmbey a dit…

Manaja, Banjina.

Merci d'apporter vous-même la précision. Je confirme vos dires.

L'agence tam-tam où j'ai occupé le poste de Directeur Etude et Opération, s'est en effet occupée de la campagne de M. Ravalomanana pour la mairie d'Antananarivo. Par contre, pour les présidentielles en 2001, elle a travaillé pour feu Herizo Razafimahaleo.

Autre point de détail, j'ai définitivement quitté de mon plein gré l'agence tam-tam en 2003.

Pour en revenir au témoignage, je m'y suis, par correction, abstenu autant que possible de citer des tiers. Question de principe.

Mankasitraka.