samedi 4 février 2012

« CUBA aujourd’hui », par Jean RAZAFINDAMBO

Préambule

Pour continuer à parfaire ma vision de politicien,  j’ai décidé d’aller étudier au campus universitaire des Nations Unies / OIT à Turin en octobre 2011. Là et dans d’autres villes, ma boussole interne s’est quelque peu affolée. Elle s’est troublée en ayant capté la profonde inquiétude qui envahit désormais la belle et vieille Europe dont les rouages étatiques sont phagocytés par l’oligarchie des élites des affaires, des médias et de la politique.

Du coup, l’envie m’a démangé de gratter sur les clichés stéréotypés habilement déversés par les aboyeurs des prédateurs sur les pays et les régimes qui leur résistent toujours. J’ai récemment été scruter du côté de la Chine Populaire pour vérifier sur place ce qui lui est reproché : la dictature communiste sur le plan politique et l’ultralibéralisme sauvage en matière d’économie. Une incursion en Thaïlande m’a aussi fourni des éléments de comparaison dans la foulée. Ma réflexion suit tranquillement son cours. Je regarde, écoute et me tais pour mieux digérer.

Dans le même ordre d’idées, je vous propose ci-après avec l’aimable autorisation de son auteur un autre récit de voyage. Jean Razafindambo nous revient de Cuba. Sa plume est colorée, enjouée, un brin malicieuse comme celle d’un gamin taquin qui jette un œil innocent par-dessus la clôture des interdits.

Début du récit.


« CUBA aujourd’hui »



Porte d'entrée de Guardalavaca

Every society needs educated people, but the primary responsibility of educated people is to bring wisdom back into the community and make it available to others so that the lives they are leading make sense (Added by myself - and not to screw them from all directions at any given opportunity). (Deloria Jr. in Red Earth, White Lies, 16-17)

Voyage à Cuba ou pèlerinage annuel vers le soleil pour le Canuck que je suis devenu par accident (c'est un bel accident de parcours en fait). Moi qui n'aime pas trop les USA (et non les Américains, pas nuance mais juste un peu) pour leur suffisance, je suis toujours bien servi à Cuba. Voici un pays sous embargo des USA depuis belle lurette qui étrenne ses centres de villégiature à la portée de la classe moyenne d'Occident et des privilégiés d'Orient.

Les Américains n'y sont pas les bienvenus et cela fait le bonheur de pas mal de gens. Même leur dollar y est dévalué par une décision politique monétaire et n'y vaut que la moitié de ce qu'il vaut ailleurs. Les gens des finances internationales viennent de réaliser avec la crise financière "mondiale" que les questions financières et monétaires sont avant tout politiques. À Cuba, les questions financières et monétaires ont toujours été politiques depuis 59.

Cela n'empêche pas 7,5 millions de touristes (en croissance) d'y séjourner chaque année. Ces touristes utilisent le peso convertible dans toutes leurs transactions. Les Cubains utilisent le peso local dans toutes leurs transactions mais peuvent toucher aussi des pesos convertibles en toute légalité. Un peso convertible valait 124 pesos locaux durant mon séjour. Taux fixé évidemment par l'État cubain. Un dollar USA valait 0,5 peso alors qu'un dollar canadien valait 0,97 peso. Le peso convertible est supérieur à toutes les devises étrangères, point final.

Cuba est en pleine restructuration. Le sucre n'est plus une commodité que ce pays exporte, juste produite pour la consommation locale. Trop cher à produire le sucre, dit-on. Les usines coûtent cher d'entretien pour le peu de bénéfice qu'on en tire. Cuba a donc fermé plus d'une centaine d'usines de production de sucre récemment. Par contre, la production de canne à sucre a monté pour la fabrication du rhum ( ron cubano ).

À la place d'usine à sucre, les Cubains construisent plus de centres de villégiature. Plus rentables, dit-on, et ils visent les 9 millions de touristes par année pour une population de 11 millions. Les plages sont toujours aussi belles et on peut faire du beau snorkelling car les coraux y sont splendides car bien protégés. Cuba est long de 1500 kms environ d'un bout à l'autre de l'ile. Là où j'étais avec ma douce moitié, c'est Holguin presque à la pointe sud de l'ile près de Santiago de Cuba et le fameux Guantanamo de Guantanamera.

Pour la petite histoire, les Cubains disent que l'intervention américaine à la "Baie des Cochons" sous JFK, c'était une question pour récupérer le plus de dollars sales de la mafia américaine avec laquelle s'était acoquiné Battista. Cela tient la route si on considère les nombreux casinos et bordels de la mafia à Cuba avant la Révolution de 59.

Une chose qui est vraiment frappante à Cuba, c'est la proximité entre les intellectuels (ou les instruits) et la population. L'intérêt commun prime sur n'importe quelle autre question : soins de santé gratuits, éducation gratuite à tous les niveaux, sécurité sociale. Madagascar est à des années lumière de Cuba pour la sécurité et le bien-être social. Nos intellectuels ont-ils/elles failli à leurs tâches?

Débat ouvert...



  Vue du centre de villégiature Club Amigo Atlantico de Guardalavaca (Province de Holguin)



Je n'ai pas observé Cuba à partir de mes convictions de Canuck originaire de Madagascar. Cette observation est basée sur leurs réalités urbaines et rurales dans le but d'apprendre de leurs forces/atouts et non dans le but de mettre l'emphase sur leurs faiblesses. Pour comprendre le Cuba d'aujourd'hui, on ne peut ignorer la période d'avant '59 date de prise de pouvoir de la Révolution sous la conduite de Castro et Guevara.

Cuba était devenu principalement l'arrière base de la mafia américaine après la période de vulgarisation des champs de canne à sucre et de tabac (synonyme de la présence de nombreux esclaves). On ne peut ignorer également la présence massive aux USA (Miami) de communautés cubaines très hostiles au régime de Fidel Castro par conviction ou opportunisme en raison de leurs liens avec le Cuba d'avant  '59.

Au sein de la population à Cuba, je ne peux pas dire qu'elle vit sous un régime de terreur. Personne n'a peur de souligner les erreurs de la Révolution mais personne n'est également prêt à s'aventurer vers un lendemain qui n'a pas été pensé et repensé avec soin et prudence. L'armée et la police cubaine n'ont aucun antécédent pour terroriser la population ayant des idées critiques et sont en fait très discrètes en termes de présence sur le terrain. Le parti communiste cubain est présent partout non pas pour matraquer idéologiquement les Cubains. Le parti communiste cubain, c'est surtout avant toute autre chose, l'organisation communautaire comme :

(1) les conservatoires d'art dramatique et d'interprétation dans chaque ville de Cuba qui forment les personnes qui animent les soirées dans les nombreux centres de villégiature du pays (danses, représentations musicales, etc.); c'est devenu une industrie florissante
(2) les centrales de distribution de nourriture aux plus démunis
(3) les centrales de paiement de la sécurité sociale
(4) la gestion des écoles/universités/centres de formation civils ou militaires
(5) la gestion des imprimeries/journaux
(6) la supervision des services de santé

L'uniforme est obligatoire pour les élèves au primaire et au secondaire. La proximité que les Cubains ont avec leurs dirigeants et vice versa n'est pas chose feinte. La discipline que les Cubains démontrent dans leur vie de tous les jours n'est pas simulée mais engagée avec conviction. Personne ne conduit comme des malades au volant d'une voiture comme on peut voir dans les îles des Caraïbes/Antilles. Même le plus petit hameau possède l'électricité non pas à partir d'une génératrice mais fournie par le réseau public. Les Cubains en général ne parlent pas de Fidel Castro comme le dirigeant craint mais comme le gars avec qui ils ont l'habitude de prendre un verre de rhum, les blagues en sus.

La drogue est quasi inexistante à Cuba. Le taux de criminalité est très bas, beaucoup plus bas que n'importe quelle ville en Occident. Les Cubains ne sont pas riches mais ne vivent surtout pas dans la misère en général. Ils admettent volontiers qu'ils ne sont pas encore prêts pour la mondialisation mais qui l'est au fond à ce stade-ci où chaque pays se protège autant qu'il peut ?

Autre chose que j'aimerai souligner, beaucoup de ces centres de villégiature sont actuellement sous gestion de l'État cubain car le bail des investisseurs étrangers est échu et que ces mêmes investisseurs mettent leur argent dans de nouvelles infrastructures hôtelières à Cuba même. Signe d'une confiance mutuelle. D'ailleurs, l'IFC est présent partout à Cuba.

En ce qui concerne la démocratie réelle, n'est-ce pas aux Cubains de décider de ce qui leur sied le mieux ? Certain, il y a un État fort à Cuba mais cet État n'est pas oppresseur. Plutôt bon pédagogue... Je n'ai pas à être d'accord ou non sur leur choix. Ce qui est sûr, c'est que les Cubains ne sont pas prêts à mettre en péril ce qu'ils ont réussi en plus d'un demi siècle (pas parfait dans tous les sens du terme) pour embrasser quelque chose qu'ils/elles ne maîtrisent pas. Bien ou mal ? L'avenir nous le dira.

En tout cas, les soulèvements populaires à répétition comme à Madagascar ne les aideront définitivement pas comme cela n'a pas aidé l'île de Madagascar... D'autant plus qu'il n'y a aucune recette miracle pour atteindre le mieux vivre ensemble. Je vois mal Cuba se faire dicter une voie par un ou des tiers pays comme c'est le cas actuellement de Madagascar qui n'arrive pas à se défaire de ses contradictions avec "l'apparemment souverain mais concrètement dépendant"...

Sur le plan purement personnel, le gourmand que je suis n'aime toujours pas la bouffe cubaine car c'est la cuisine la plus fade de tous les Caraïbes/Antilles. Sans épices. Mais le photographe que je suis vous dira avec courage que les femmes cubaines sont très belles (pour ne pas finir dans le " dog house ", j'ajouterai avec prudence que la mienne l'est encore plus) et dansent bien la salsa. Arriva arriva ! Les cigares et le rhum cubains sont imbattables. On peut mourir en paix après avoir dégusté un cigare format esplendido Cohiba en sirotant un rhum " barrel proof " à 45%.

Je peux continuer longtemps...
Allez, tchao.

Hasta la vista !

                                    Les missiles cubains qui ont fait la Une de pas mal de journaux.

Fin du récit.

Hasta pronto !

Merci d’avoir prêté à ce récit votre précieuse attention.

Moi-même, au bout de sa lecture, je me souviens de mes premiers pas dans la clandestinité MAP/KMM – jeunesse MFM – dès 1976. Nous dessinions à la main le portrait de CHE Guevara et confectionnions nous-mêmes le transfert sur du papier carbone pour machine à écrire avant de le repasser minutieusement sur nos tee-shirts blancs. Quelle fierté d'afficher du fait main CHE Guevara sur le torse, je ne vous dis pas ! Il doit me rester quelque part des vieilles photos de cette fin d'adolescence, mordillant le cigarillo pour mieux imiter le CHE.

M’apercevant actuellement combien ce visuel se répand partout sur n’importe quel support,  je souris d’aise secrètement amusé. Peut-être finalement que tous les risques et les coups pris en tant que militant de la vaillante époque MAFANA étaient quand même précurseurs de sens !?!
Cette soif inextinguible de justice sociale doit demeurer vivace dans le cœur de tous ceux qui auront été MAFANA, quadra-quinqua-sexagénaires aujourd’hui pour la plupart et occupant des postes de décision ou à responsabilité. Cela fait chaud au cœur de se l’imaginer. 


"Rouge et expert" qu'on nous assénait lors des cercles d'études obligatoires au CUR de Toliara pour figurer parmi les meilleurs de nos promotions. Ainsi de même dans les universités, voire même certains lycées, partout à Madagasikara. Actuellement, tandis que les uns se rangent du côté de la HAT, du TIM, des mouvances ou des plates-formes, les autres se mettent en retrait tout en continuant à transmettre la flamme de la manière qui leur plaît. Les MAFANA, au bout du compte, auront à peine tiédi. En public, s'entend. Il est certain que l'encodage clignote toujours au fond d'eux mêmes pour assurer une veille tactique.

Beaucoup d’entre nous auront souffert dans leur chair de l’implosion en pleine époque socialiste du glorieux parti qu’était le MFM. Notre rouge était devenu la couleur sang de l’hémorragie et notre noir s’était noyé dans le goudron du bitume des adieux. Depuis belle lurette, nous n’adhérons plus du tout au MFM. Mais où que nous soyons, nous demeurerons à vie MAFANA dans l’âme, le cœur et la raison. MAFANA d'esprit.

Merci pour nous tous, Jean Razafindambo, de ce récit « CUBA aujourd’hui ».

Hasta la vista ! Comme tu dis.
Hasta pronto ! Te répondrons-nous en écho.

Antsirabe, 04 février 2012.


RABEARISON Roland Dieu Donné Vahömbey.



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